Cet article reprend une réponse que j’ai rédigé pour la liste Ergoihm, une liste de diffusion sur l’ergonomie des IHM. Les questions de l’email initial sont donc en citation.
Il y a plusieurs sujets qui s’entremêlent dans ce que tu dis, mais c’est intéressant d’aborder le sujet de manière globale. Je vais essayer de répondre à tes questions mais une par une !
L’année 2009 a été l’année du développement des réseaux sociaux et communautaires, tels que Facebook ou Twitter, mais aussi l’année de l’internet mobile. L’essor des ventes de téléphones tactiles (et surtout de l’iPhone) nous permet de constater que de plus en plus d’internautes sont aussi des mobinautes.
Je passe sur le Web 2.0 et les réseaux, c’est un peu avant 2009, Facebook a 6 ans ! L’internet mobile se développe, oui, mais il faut définir ce que l’on entend par l’internet mobile. Ce qui est constaté par les opérateurs et les hébergeurs, c’est la surreprésentation de l’iPhone dans les statiques de connexions. Cette différence a probablement plusieurs sources dont la qualité de l’ergonomie de l’iPhone et les forfaits data « illimités » associés à celui-ci. Ce n’est pas uniquement l’écran tactile multitouch qui en est l’explication. L’aspect tactile est un plus, mais 95 % des interactions pourraient aussi se faire avec un stylet ou une souris.
L’internet mobile ce n’est pas seulement du Web sur téléphone mobile mais l’ensemble des connexions data, avec notamment l’utilisation des Apps (applications pour iPhone). Pour prendre un exemple, si tu souhaites lire « Le Monde » sur ton iPhone, tu ne vas pas sur le site du Monde, mais tu télécharges l’apps qui elle-même synchronise le contenu. Donc, ce qui se développe très fortement, plus que le Web mobile, c’est l’utilisation d’applications synchronisant tout ou une partie des données avec un serveur internet, ce en situation de mobilité.
C’est assez amusant de constater cela. Quand j’ai commencé à travailler en 1998, la tendance qui s’est poursuivie depuis, c’était de passer toutes les applications, notamment professionnelles, d’une interface WIMP (Windows, Mac OS) à une interface Web. Cela se faisait non sans mal, avec des problèmes de performance et la nécessité d’utiliser Java. On constate maintenant que le mouvement va dans le sens inverse, vers une « WIMPisation » (versus « Webisation ») des services Web. Sur l’iPhone, tu as une apps pour Facebook, une pour Twitter, une pour chaque journal, une pour WordPress, etc…
Avec en plus l’avènement des tablettes tactiles en 2010, je me dis que notre façon de naviguer sur internet va devoir elle aussi évoluer.
Nos modes d’interaction avec internet et les usages qui en résulteront devront eux aussi changer.
Qu’en pensez-vous ?
Tu utilises le verbe « devoir », mais en quoi l’arrivé d’une nouvelle technologie peut elle crée une obligation morale de changer tes habitudes ? Une technologie nouvelle ne va faire évoluer les usages que si l’utilisateur y trouve son compte.
Que tu reçoives la télévision, par la fibre optique, l’adsl, la TNT ou en Hertzien, tu te vautreras de la même manière dans ton canapé et consommeras autant de bières en regardant le tournoi des six nations ! Par contre, si tu peux avoir un magnétoscope qui se programme à distance, supprime les pubs et enregistre automatiquement ta série préférée (exemple : TIVO http://www.tivo.com) cela va avoir un impact fort sur ton usage de la télévision. (How Do People Really Interact With TV? Naturalistic Observations of Digital TV and Digital Video Recorder Users, Darnell, M, J., 2006). L’adoption d’une technologie se fait surtout si l’efficience, pour des usages existants, est améliorée.
Je me pose aussi la question de l’impact des tablettes tactiles ? Elles sont à mi-chemin entre un téléphone tactile et un ordinateur portable. Plus maniable mais moins puissant qu’un ordinateur portable (sans prendre en compte les netbooks), moins pratique qu’un téléphone…
Je pense que ces tablettes peuvent considérablement changé notre façon de naviguer mais aussi d’appréhender ce qu’est un ordinateur en général.
Quand tu dis moins pratique, tu veux sans doute dire moins « ergonomique » ? Sachant l’ergonomie se définit pour un outil, une population, une tâche et un contexte. Donc en mobilité, la tablette est moins pratique que le téléphone pour téléphoner… ou écrire ?
Alors, déjà il y a tablette et tablette, tactile et pas tactile. Pour faire simple, ce qui émerge sur le marché actuellement, c’est :
- Les ebook ou les tablettes spécialisées comme le kindle d’Amazon pour la lecture.
- Les tablettes PC, c’est un PC, sans clavier ni souris, sous Windows (ou Linux), avec un écran tactile.
- et l’iPad qui est un iPhone en plus grand, sans le téléphone.
Les ebooks, ils ne remplacent pas l’ordinateur mais le livre ou le journal, comme l’iPod a remplacé le Walkman. C’est un périphérique. Donc ça n’a pas d’impacts sur la perception de l’ordinateur. Les tablettes PC, le clavier et la souris sont remplacés par un écran tactile, mais à part cela, il y peu de changement. Le fonctionnement est similaire à un PC. L’interface est semblable.
Dernier cas, l’iPad, là c’est un peu plus intéressant car ce n’est pas un Mac amputé de son clavier et de sa souris. Mais la base est l’iPhone, donc un produit grand public pour un usage quotidien,avec une prise en main qui se doit d’être évidente. Cette facilité de prise en main est notamment due à l’absence de gestionnaire de fichier.
Effectivement, cela va sans doute changer la perception de l’informatique pour une partie du grand public, qui va avoir un « ordinateur » mais sans les difficultés de prise en main d’un OS classique.