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Des entretiens aux personas

Vous avez réalisé vos entretiens. Vous avez recueilli pleins de données auprès des utilisateurs. Il va falloir les affiner et les mettre en forme afin que ces données puissent être utilisées par les différents intervenants du projet.

Ça va se faire en plusieurs étapes :

  • Dans un premier temps il faut nettoyer les données et les organiser.
  • On peut les compléter, les croiser avec des informations venues d’autres sources.
  • Il faut ensuite construire des personas, qui sont une représentation type des utilisateurs.
  • À partir de ces personas, on va décrire le parcours global de ces utilisateurs.

Faire le bilan des entretiens.

Vous venez de finir les entretiens, 5, 10 ou vingtaine peu importe. Vous vous avez à peu près mis ça au propre, suivant le mode de prise de notes que vous avez choisi. Au final, dans tous les cas, vous vous retrouvez avec un paquet d’informations.

À partir de là, vous avez à organiser cela pour que ce soit diffusable et utilisable avec auprès des autres personnes. Pour cela un petit nettoyage est nécessaire :

  • Sur une vingtaine d’entretiens, il arrive qu’un entretien n’est aucun intérêt pour diverses raisons déjà évoquées que ce soit un mauvais recrutement, que l’utilisateur soit visiblement perturbé par l’entretien.
  • Il faut anonymiser les entretiens, pas seulement supprimer le nom et le prénom, mais aussi supprimer les informations indirectes qui figurent dans l’entretien et qui permettraient de retrouver facilement l’utilisateur à partir de la liste initiale. Ça peut être un lieu d’habitation, les prénoms de proches cités, des habitudes particulières (si elles ne rentrent pas dans le champ de l’entretien) ainsi que toutes les informations de religions, de politiques et de sexualité.
  • Si vous faites les entretiens dans le cadre d’une entreprise, soyez encore plus vigilants. Je vous déconseille de transmettre les retranscriptions des entretiens à l’entreprise. Il serait facile pour l’entreprise d’identifier chaque salarié et de se servir de ces entretiens contre eux, un jour ou l’autre.
  • Si vous êtes plusieurs à faire passer les entretiens et à prendre des notes, le plus efficace est de faire une relecture croisée chacun relisant les notes des autres. Ça permet de prendre connaissance des autres entretiens ou de se les remémorer et en plus, on voit mieux les erreurs des autres que les siennes.

Il peut être aussi pertinent de faire un résumé de chacun des entretiens notamment si vous travaillez à plusieurs, cela permet de partager les principales informations recueillies dans chaque entretien.

Compléter et croiser les sources

Les entretiens ne sont pas les seules sources d’information dans un contexte « exploratoire ». Il est intéressant de diversifier les sources afin de les croiser et de les compléter. Ça va dépendre du sujet bien sûr mais on trouve généralement trois types de sources :

  • Les traces de l’activité
  • Les études scientifiques
  • Les « communautés »

Les traces de l’activité

Globalement, les traces de l’activité correspondent à toutes les traces que les utilisateurs laissent plus ou moins volontairement suite à leur passage. C’est souvent une source riche d’information, mais elles peuvent prendre des formes très différentes. La plus classique dans le numérique est les statiques des visites du site (nombre de visites par pages, parcours, etc…) qui peuvent donner lieu à des analyses statistiques parfois automatiques avec par exemple Google Analytics.

Pour reprendre la liste des courses, les listes sont des traces de l’activité. Si vous récupérez des listes après usages, elles vont être raturées, cochées, pliées etc… Certains vont les avoirs organisés, d’autres seront en vrac ou avec une organisation très spécifique. Tout cela donne des informations sur les usages des utilisateurs, leurs habitudes et sur leur créativité pour contourner certains problèmes.

Si vous faites des entretiens sur le lieu de travail des personnes, vous pouvez aussi observer des traces de l’activité, ça peut être des post-it très classiquement avec l’identifiant le mot de passe du poste de travail, ou celui du chef qui permet de faire plus de chose ou encore l’accès au Wifi. Des cahiers avec les notes prises par la personne au cours de leur activité.

Les études existantes

Sur beaucoup de sujets, il est possible de trouver des études scientifiques, sociologiques, statistiques ou ethnologiques. Ces études ne vont pas être forcément très spécialisées sur la thématique que vous étudiez, mais elles peuvent donner un contexte plus global.

Par exemple, il y existe des études ethnologiques sur l’usage de la télévision dans les foyers ou sur l’usage des technologies (source Insee). Ces études ne vont pas porter précisément sur des problématiques d’interactions ou des problématiques liées à certains services. Mais elles vont expliquer les contextes d’usages possibles, seul ou en famille, les enjeux derrière le choix du programme regardé, qui détient la télécommande, est-ce qu’on regarde la télévision en mangeant ou non ? Ça donne des éléments de contexte et une culture de la situation.

Pour la liste de course, il y a bien sur des statistiques que ce soit sur la consommation des ménages, les temps de trajets, la part des courses en lignes ou les nouvelles habitudes de consommations. L’INSEE par exemple publie Les comportements de consommation en 2011.

Il existe aussi de nombreuses publications ou d’études professionnelles parfois payantes et relativement chères, parfois gratuites. Ça peut prendre la forme d’étude complète sur un domaine en particulier ou de magazine avec une publication régulière concernant une profession. Vous y trouverez souvent des actualités mais aussi des statistiques précises et à jour sur le domaine que vous étudiez.

Les communautés

Quelles soient formelles comme des associations ou informelles sur des réseaux sociaux ou des forums, les communautés d’utilisateurs sont souvent une source inépuisable d’informations auprès de personnes très, voir trop au courant des problématiques. Je vous propose deux exemples qui peuvent vous donner des idées concernant les communautés.

J’ai eu à réaliser une mission pour une chaîne de distribution de matériaux de construction et de bricolage. J’ai bien sûr réalisé des entretiens auprès de divers corps de métiers concernés par la construction. J’ai pu compléter ces informations notamment en allant parcourir les forums parlant de bricolage. On y retrouve des particuliers, des semi-pros qui échangent sur leurs besoins et leurs réalisations. Ils y racontent aussi les difficultés qu’ils rencontrent et l’aide qu’ils ont trouvé sur le forum ou en magasin.

Certains logiciels open source comme Prestashop, permettant de faire des boutiques en lignes, ont une communauté d’utilisateurs importante avec qui il est possible d’échanger. Cette communauté est fortement engagée car pour la majorité Prestashop est un outil essentiel pour leur travail quotidien. Ils revendiquent plus d’un million de membres.

Créer des personas

Les personas sont des représentations des utilisateurs. L’idée est de partager avec les équipes d’un projet les connaissances que vous avez recueillies sous la forme d’un portrait de chacun des types d’utilisateurs. Globalement les personas permettent de :

  • Créer une représentation parlante des utilisateurs finaux, pour les intervenants sur un projet.
  • Partager, communiquer autour de ces profils utilisateurs, pour sensibiliser à l’expérience utilisateur.
  • Faire des choix de conceptions en fonction de ces personas, et non en fonction des idées ou des choix de telle ou telle personne.

Pour créer ces personas, il va donc falloir extraire des données que vous avez recueilli les principaux traits pertinents qui vont constituer et différencier vos personas.

Traiter les données, faire émerger les personas

Un post-it = une idée

Pour plus lisibilité de loin, écrire en majuscule

Le processus pour traiter les entretiens et les informations sur d’autres sources est le suivant :

  • Vous allez reprendre chacun des entretiens. À chaque fois, vous noter sur un post-it les éléments significatifs. Vous prenez une couleur de post-it par utilisateur ou si besoin vous prenez un code pour identifier chaque utilisateur. Si vous êtes plusieurs à faire passer les entretiens c’est aussi intéressant de le faire apparaître avec un petit signe distinctif. Un élément peut être par exemple :
    • La fréquence d’usage « je fais les courses deux fois par semaine »
    • Le type de course « je fais les grosses courses au drive et l’alimentaire au marché le samedi » ça fait deux post-it
    • « J’organise ma liste de course en fonction des rayons »
    • « Si il fait beau, je prends mon vélo aller faire mes courses »
  • Vous allez donc vous retrouver avec un grand nombre de post-it pour chaque entretien. Il faut maintenant les regrouper sémantiquement. L’idéal pour ça est de disposer d’un grand mur, un outil de tableau blanc comme Miro ou Mural, permettant de coller les post-it pour les voir tous. Le premier designer va coller ses post-it en indiquant le contexte et ce qu’il signifie. Il va organiser ses entretiens et regrouper les post-it qui parlent d’un même sujet. Les autres designers vont compléter les groupes avec leurs propres post-it et dire le lien, et ainsi de suite. Une fois que tous les post-it sont collés, on fait une deuxième, voir une troisième passe pour affiner les regroupements. Certains post-it peuvent rester orphelins, on n’en teindra pas compte pour la suite, mais on les garde quand même, car ils peuvent représenter une situation particulière ou une idée inédite.
  • Vous allez maintenant détailler chaque groupe de post-it. Pour chacun, il faut trouver un titre et axe répartition. Certains sont assez évidents, comme la fréquence, avec d’un côté « Je fais les courses tous les jours » et de l’autre « je fais les courses une fois par mois ». Pour d’autres regroupements, cela peut-être un peu plus complexes. Par exemple, l’organisation de la liste ne va pas se réduire à organisée/pas organisée, mais sera plus probablement sur un axe « En fonction du magasin/ En fonction du contexte utilisateur ». Sur les contraintes autour de la liste de courses, on peut trouver un axe « Budget / Bio et qualité »
  • Une fois les axes établis, il faut reprendre les post-it et les positionner correctement sur les axes. Il faut parfois inverser certains axes afin de les rendre plus cohérents avec les autres axes.
  • En prenant du recul, avec les différentes couleurs des post-it, vous allez voir des motifs se former, plusieurs utilisateurs vont avoir répondu de manières assez proches sur plusieurs axes dégageant ainsi des profils d’utilisateurs types.

Sur la liste des courses, on peut par exemple trouver un persona « Budget serré » qui va peut-être être très organisé pour gérer ses dépenses, respecter strictement sa liste de course et utiliser au maximum les promotions ou un persona « Gourmet » qui au contraire à une liste minimum et qui va faire ses courses au gré de ses envies et des produits disponibles.

Une vidéo produite par Julien Champagne explique le processus :

Combien de personas pour un projet ?

C’est une question qui revient souvent. Dans la pratique, le nombre de personas tourne souvent autour de trois ou quatre. S’il y a trop de personas, il est probable que certains soient trop précis ou trop complexes et pas assez générique. Le persona perd alors de son intérêt aussi bien en termes de communication que pour la conception du projet.

Donc idéalement, on va faire 2 personas principaux qui sont le cœur de cible du projet et deux personnes secondaires qui viennent compléter le panorama en donnant des informations sur des cibles spécifiques.

Par exemple, sur la mission pour une chaîne de distribution de matériaux de construction, on avait initialement trois personas : l’artisan, le castor (amateur qui fait tout), la bricoleuse. Après la phase de recherche, on a ajouté deux persona : le couple qui rénove avec des matériaux écologiques et le rentier qui gère un parc de logement qu’il rénove régulièrement. Donc au final, on a trois personas principaux qui représentent les clients « classiques » et deux personas secondaires représentant deux niches qui peuvent être des relais de croissances.

Il peut être aussi intéressant de faire un « anti-persona ». C’est-à-dire une représentation de l’utilisateur qui va se trouver plein de bonnes raisons de ne pas utiliser le service ou le produit que vous proposez. Ça permet souvent de donner un point de vue décalé sur ce qu’on fait et d’identifier des failles ou des points de blocages qui passent inaperçus pour les autres utilisateurs.

Finaliser les personas

Une fois vos personas définis, il va falloir les rendre lisible pour tout le monde. Le persona est généralement représenté sous la forme d’une page présentant ses principales caractéristiques. Il faut penser cette fiche persona comme un outil de conception mais aussi un outil de communication.

Quelques modèles de personas sont disponible dans cet article sur le sujet.

Les points suivants sont abordés, mais ils ne sont pas tous forcément présents :

  • Une photo ou un dessin représentant le portrait du persona
  • Son état civil : nom, prénom, âge, situation familiale et sociale, métier ou niveau scolaire, lieu d’habitation,…
  • Un slogan qui résume les attentes du persona : « Des économies à tout prix » (Oui, on est designer pas forcément publicitaire !)
  • Une biographie racontant l’histoire du persona par rapport au service. Cette biographie doit s’appuyer sur des éléments que vous avez recueillis lors des entretiens, mais il y a toujours une part de réécriture afin d’en faire quelque chose de cohérent.
  • Les objectifs de l’utilisateur, par rapport à votre problématique, mais ça peut être des objectifs très larges. « Je veux que ma famille soit en bonne santé, pour ça j’achète que des produits bios. »
  • Les attentes : C’est généralement les attentes vis-à-vis du service « la liste de course doit me permettre de faire des économies et de me faire gagner du temps »
  • Les frustrations : « J’oublie toujours quelque chose » « Il y a toujours un produit qui manque, qui n’est pas rayon » C’est souvent des freins à l’usage, des éléments qui vont ralentir l’utilisateur dans ce qu’il veut faire.
  • L’expérience idéale : Ça peut être directement issu d’une question de l’entretien « Idéalement, comme ça se passerait pour vous ? »
  • Le niveau de compétence dans certains domaines : Ces informations vont permettre de cerner les capacités d’adaptations de l’utilisateur. Par exemple, il peut être très bon en informatique, mais médiocre dans la compréhension des réseaux sociaux et excellent en cuisine !
  • Les produits et services types utilisés (Téléphone, magasin fréquenté, Service en ligne : Blablacar, AirBnB,… ) : Ça permet de renseigner sur le style de vie de l’utilisateur, s’il est urbain ou rural, s’il suit la dernière mode ou est au contraire réfractaire au changement.

Cette liste n’est pas exhaustive bien sûr ! Doit s’adapter au projet et aux personnes qui vont les utiliser. Vous pouvez faire des personas très simple, d’autres complexes ou encore des personas très graphique et illustré ! De plus ces personas peuvent évoluer avec le temps, certains designers les font vieillir et évoluer en fonction des mises à jour du service.

À retenir

Les entretiens exploratoires sont une source riche d’information qu’il peut être difficile d’exploiter correctement.

  • Des sources complémentaires peuvent venir poser un décor autour de ces entretiens et valider ou préciser certaines impressions.
  • Les personas ne sont pas inventés mais construit sur la base des entretiens. Ils doivent représenter des typologies d’utilisateurs.
  • Il n’y a pas un modèle de personas, un modèle qui sera adapté à votre projet et à ce que vous voulez communiquer au sujet des utilisateurs.

Auteur :

Lead UX designer en Freelance depuis le dernier millénaire ! J'aide à concevoir des services, des applications en étant centré sur l'utilisateur et ses usages.


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