Suite à une question sur la liste ErgoIHM, je détaille une étude de cas sur une application professionnelle sous Windows. Cette étude porte sur la création d’une application pour le ministère de l’équipement.
Le contexte.
Le but du travail des opérateurs est de faire des relevées statistiques de l’état des routes afin de planifier les travaux et donc les budgets associés pour l’année suivante. La campagne de relevé ne peut se faire que sur une période assez courte, au printemps quand les routes sont sèches et pas encombré de feuilles mortes ou de neige.
Initialement, les opérateurs faisaient ses relevés directement sur le terrain, par deux à bord d’une voiture. L’un conduisant, l’autre relevant les défauts de la chaussée. Mais cela nécessitait de rouler à faible vitesse sur des routes qui pouvaient être assez passantes. Pour diminuer les risques d’accident, il a été décidé de photographier la route en continu avec un véhicule adapté. Les relevés sont en suite réalisés sur ordinateur à partir des photos de la route.
Un petit groupe d’opérateur faisait déjà un travail semblable, mais à partir d’une photo argentique de la route, sur un « banc de montage ». Dans ce cas ils faisaient défiler la photo pas à pas, par section de 20 mètres de routes.
Donc initialement les deux situations, une en flux réel et l’autre en pas à pas. La notion de productivité étant aussi là, il y a plusieurs centaines de kilomètres de routes à traiter en quelques mois, par un faible nombre d’opérateurs (une vingtaine pour 5000 à 6000 km de route).
Les opérateurs utilisent des outils informatiques au quotidien, mais ils ne sont pas particulièrement à l’aise avec. Le logiciel ne sera utilisé qu’une partie de l’année. Il y a donc une nécessité, de concevoir une application facile à prendre à en main, ne nécessitant pas un apprentissage pour son utilisation.
Ces changements ne se faisant pas sans soucis, un soin particulier était apporté aux aspects liés à la santé au travail et aux risques psychosociaux (stress et fatigue notamment).
La solution envisagée
L’application est une application Windows utilisable sur n’importe quel PC, un peu musclé avec une souris et un clavier. L’idée d’origine était d’avoir des postes spécialisés, mais le fait d’utiliser un PC standard permet une plus grande souplesse en terme d’organisation et de montée en charge lors de la campagne traitement.
Le principe est simple, la route défile sur l’écran, une zone est focussée. Cette zone reste stable à l’écran. L’utilisateur saisi au clavier un code de 2 ou chiffres (déjà existants et connu) correspondant à la dégradation observée quand elle passe dans la zone. La dégradation vient s’ajouter dans le relevé (à droite ou en dessous de la route). Avec la souris, il peut déplacer la zone focussée, soit pour prendre de l’avance, soit pour rattraper un oubli. Un double-clic, ramène la zone focussée et la route à son emplacement par défaut, cela permettant d’avancer par saut quand la route est en bon état.
La solution retenue a été de privilégier l’adaptabilité.
- Avec la possibilité de présenter la route soit à la verticale comme en vrai (moins de route, mais zoom plus fort), soit à l’horizontale comme sur le banc de montage (plus de route, moins zoomée).
- De contrôler la vitesse soit en mode défilement, soit en mode pas à pas. Dans les deux cas, l’utilisateur pouvait régler la vitesse, soit de défilement, soit le temps entre chaque pas. Voir la deuxième image.
- Il était important, pour les utilisateurs, de pouvoir voir à l’avance ce qui arrivait afin de prévoir dans la mesure du possible. D’où une vue en « perspective » de la route permettant d’avoir « plus de route » sur moins de places à l’écran.
Les utilisateurs avaient proposé d’avoir un pédalier, comme sur la voiture, pour régler la vitesse. Mais l’idée n’était pas très bonne, des dispositifs de type contrôles vidéos ont été proposés. Ils s’étaient de toutes manières redondants avec l’utilisation classique.
La représentation à plat, 2D, de la route n’a pas posé de problèmes, même si elle était accompagnée d’une vue « conducteur » permettant de situer l’environnement (rond point, pont, etc…). Une vue 3D, « comme sur la route » a été demandée par les opérateurs, pour reproduire la réalité. La solution proposée à permis de donner cette souplesse en permettant à l’utilisateur de régler la limite entre la vue en perspective et la vue à plat, ainsi que l’angle de la perspective.
Les points particuliers.
Nous avons étudié plus en détail certains points qui ont été jugés important.
Le contrôle de l’avancement.
C’est un élément clefs de la prise en main du logiciel, vu qu’il permet de régler la vitesse du travail des opérateurs. A termes nous sommes arrivé à une solution présentant un mode pas à pas et un mode continu, avec un réglage de la vitesse.
La représentation des dégradations.
Un travail particulièrement soigneux, qui n’a rien d’évident a été réalisé, par Tching-yi Yuan, sur les icônes utilisées pour symboliser les dégradations.
Le relevé des dégradations.
Un élément important du travail est le résultat qui présenté sous la forme d’un relevé des dégradations.
Ce relevé a été repris et adapté pour venir se positionner en parallèle de la route. Les dégradations saisies viennent alors se positionner au fur et à mesure dedans. Il permet en suite de corriger ou modifier les dégradations.
En conclusion.
Ce travail était particulièrement intéressant du fait de l’analyse de l’activité réalisée en amont. C’est une « belle situation de travail » avec un changement difficile à négocier. Concevoir une application simple à utiliser et à prendre en mains pour un métier technique et complexe, est toujours un beau défi !
Merci pour le partage d’expérience, un bon article qui illustre à mon sens très bien la démarche ergonomique. C’est réellement prenant de suivre le déroulement de cette démarche.
Quels sont les retours des opérateurs de cette appli ?
Sur le court terme, en phase de « fin de développement », « Début de prise en main » les retours étaient ceux attendus : globalement positif, pas de difficultés de prise en main.
Sur le long termes et notamment en phase de production intensive, un an après environ, nous n’avons pas eu de retours.