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La demande, les freins.

Ce mémoire a été réalisé dans le cadre d’un mastère spécialisé en marketing et distribution au CNAM.

Le conseil en ergonomie peut se définir de deux manières différentes soit par le type de conseils fournis qui portent globalement sur l’amélioration des conditions de réalisation d’une tâche ou d’un travail, soit par la qualification des consultants. Dans ce deuxième cas, il se pose alors le problème de définir la qualification attendue. Ceci est quasiment impossible étant donné que le titre d’ergonome n’est pas réglementé comme peut l’être celui de psychologue ou de médecin. Nous nous intéressons donc au marché du conseil en ergonomie, en le définissant sur la base des fournitures attendues.

Le conseil en ergonomie.

Le conseil en ergonomie est un marché assez restreint. Il n’existe pas d’informations statistiques fiables ou d’études d’envergure sur ce marché. Pour se faire une idée précise du marché, il est nécessaire de recouper plusieurs informations.
Environ cinq cents personnes sont inscrites à la SELF (Société d’Ergonomie de Langue Française) et le nombre d’ergonomes en activité est estimé à un millier toutes branches confondues. Le secteur du conseil en ergonomie se divise en deux branches qui correspondent grossièrement au clivage entre l’ergonomie francophone et l’ergonomie des IHM. Des métiers proches de l’ergonomie viennent aussi proposer leurs services en tant qu’ergonome, par exemple les infographistes dans le domaine des IHM ou les architectes dans le domaine de la conception d’espaces de travail.

Comment s’exprime la demande ?

Pour comprendre comment s’exprime le besoin de conseil en ergonomie, nous allons partir de trois demandes de prestations différentes qui ont été faites à l’entreprise iErgo et revenir sur les circonstances de ces demandes. Les trois demandes portent sur la spécialité d’iErgo, c’est-à-dire l’ergonomie des IHM. Elles ont été faites de gré à gré, sur la base de recommandations par le bouche à oreille.

Le premier cas est une demande de la part d’un chef de projet associé à sa maîtrise d’ouvrage sur un projet d’application de gestion de la relation client dans le domaine des télécoms. Une première version de l’application, dont “l’ergonomie” avait été faite par le chef de projet avait été refusée par les utilisateurs finaux lors d’un test. La demande avait clairement pour origine le public cible, elle était exprimée par le chef de projet sous la forme d’un livrable : “une interface claire qui convienne aux utilisateurs”.

Le deuxième cas est une demande du Ministère de l’équipement, relayée par un ergonome travaillant sur le secteur de la santé au travail. Un changement organisationnel important amenait des personnes travaillant sur les routes à faire un travail similaire sur un ordinateur. La demande venait donc d’un client “informé” avec des attentes en terme de recommandations et de définitions du produit.

Le troisième cas est une demande formulée par un ergonome senior de la branche innovation d’une entreprise de télécoms. Elle porte sur le suivi et la formation d’un ergonome junior pour la conception de services sur téléphone mobile. La demande porte donc sur la méthodologie et le transfert de connaissances.

Ces trois cas montrent une palette de demandes très différente de par leurs origines et leurs objectifs. Cela rejoint les remarques d’Henri Fanchini1 qui présente le tableau suivant :

Les interlocuteurs et leurs attentes

Les interlocuteurs et leurs attentes

D’un côté, on trouve les “convertis” à ergonomie, demandeurs de méthodologie, attentifs à la démarche et aux connaissances. De l‘autre, les non initiés qui ne connaissent l’ergonomie que de l’extérieur et qui privilégient les solutions et les résultats par rapport aux méthodes. En dehors de cela, une grande majorité ignore totalement l’existence de l’ergonomie même si elle pouvait répondre à leurs problèmes.

Sur la forme, une majorité des demandes sont faites par le réseau relationnel. Soit sans mise en concurrence soit avec un appel d’offres restreint. Des appels d’offres publiques sont aussi réalisés notamment par les administrations. Ils portent généralement sur des montants importants, par exemple l’ANPE a passé en 2006 un marché de 3 millions d’euros sur 3 ans pour tout un ensemble de prestations en ergonomie.

Quels sont les freins ?

Lorsqu’un client décide de faire appel à un consultant en ergonomie plusieurs questions se posent pour lui et ces questions sont souvent des points bloquant dans le processus de décision d’achat. Ces questions sont de trois ordres, :

  • Le gain financier.
  • La compétence du consultant
  • La valorisation de la prestation

La question du retour sur investissement est souvent abordée de manière indirecte, mais elle est toujours présente. Le coût de la prestation en ergonomie est connu, mais pas le coût de l’absence de prestations. Une fois la mission accomplie et le projet abouti il est possible d’estimer les apports notamment sur le plan du facteur humains mais il est difficile d’en estimer le bénéfice financier. Mais en amont du projet, la question se pose alors : “Est il bien utile bien utile de payer un ergonome pour représenter un public que l’on connaît ?”.

La méconnaissance du métier d’ergonome et des compétences mises en œuvre a plusieurs conséquences. La première est simplement que si le besoin en terme d’ergonomie est ressenti, il ne va pas être nécessairement exprimé de manière explicite et juste. Le client va alors s’adresser aussi à d’autres spécialités que l’ergonomie. La deuxième conséquence, est qu’il va être difficile pour le client d’estimer le niveau de compétence des consultants répondant à l’appel d’offres. Cela aura aussi un impact un sur le prix estimé de la prestation.

Le client aura du mal à valoriser la prestation de conseil en ergonomie au sein de l’entreprise où il travaille et auprès du public cible. L’argument “ergonomie” ne peut pas être utilisé en tant que tel par le client vis-à-vis de l’utilisateur final pour vendre le projet ou le produit. L’ergonomie est souvent considérée comme du bon sens. Le public cible dira : dans le cadre professionnel, “Ça doit être ergonomique, adapté au travail, sinon comment travailler avec ?”, dans le cadre grand public, “si c’est simple, ergonomique, c’est pour les “nuls”, pas pour moi”. Nous pouvons citer l’exemple de l’entreprise Nokia2 qui avait produit un téléphone fixe et fait sa promotion sur le thème de l’ergonomie. Ce téléphone s’est mal vendu car le grand public a considéré que c’était un téléphone pour les personnes handicapées ou âgées.

à suivre : Les spécificités du conseil en ergonomie des IHM

____
1 : Henri FANCHINI, actes du XXXIème de la Société d’Ergonomie de Langue Française, 1996. www.artis-facta.com
2 : C. Lindholm, T. Keinonen,H. Kiljander, How Nokia changer the face of the mobile phone, Ed Mc Graw Hill, 2003, 304 pages

Auteur :

Lead UX designer en Freelance depuis le dernier millénaire ! J'aide à concevoir des services, des applications en étant centré sur l'utilisateur et ses usages.

3 commentaires

  1. Merci pour cette étude vraiment intéressante.
    Le ROI de la prestation d’ergonomie est vraiment un point faible pour pousser l’ergonomie comme une prestation associée à la réussite d’un projet.

    • Le ROI est effectivement très méconnu, mais il existe plusieurs publications sur le sujet qui montre que le gain peut être énorme. Je me souviens d’une étude de SUN sur le sujet qui expliquait que le ROI était énorme pour 20 000 $ d’études sur une application pro, le retour avait été de l’ordre de plusieurs millions de dollars, en comptant les divers postes (productivité, formation, assistance téléphonique, SAV, etc…).

      A l’inverse, une étude de Forrester Research montre que l’absence de participation des utilisateurs est une des principales causes de l’échec des projets informatiques.

      Il y a matière à faire un article !

  2. Si le ROI était si important que cela dans un projet informatique, il y a belle lurette qu’on serait pleins aux as….

    Le soucis, que l’on ne rencontre pas qu’en matière d’ergo des IHMs, mais aussi en prévention des risques professionnels, c’est que les décideurs, les acteurs sont incpables de réfléchir la tête froide pour des raisons systémiques (déterminants internes à l’entreprise) ou des raisons plus triviales liées à notre perception affective du monde et des gens qui nous entourent.

    Du coup d’autres aspects liés notamment à la psychologie sociale (changements d’attitude) devraient, à mon avis, faire plus souvent parti d’un programme de formation d’ergonomes….

    Certes, la fin ne justifie pas les moyens, mais…

Les commentaires sont clos.


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