Le sujet que je vais évoquer là est plus qu’inquiétant. Mon but est bien d’avertir la communauté sur ces pratiques.
Pour situer le problème, les appels d’offres « inéquitables » sont des appels d’offres ou les annonces qui
- Fixent un prix sans concertation des professionnels et produisent du dumping, ou rémunération faible, entraînant une activité professionnelle déficitaire ;
- Demandent la fourniture d’un projet sans rémunération de dédit s’il n’est pas retenu ;
- Ne respectent pas les droits d’auteur en ne fixant pas de limite d’utilisation, en exigeant une cession définitive pour une utilisation maximum sans contrepartie financière à sa juste valeur.
Cette « pratique » est relativement répandue dans le monde du graphisme et du design, mais fermement combattue par les organisations professionnelles. Par exemple, l’alliance française des designers blacks liste un certain nombre d’appels d’offres.
Par contre, c’est la première fois que je le vois apparaître dans le domaine de l’ergonomie et de la conception d’IHM. Pour rentrer dans le vif du sujet.
L’appel d’offre « inéquitable ».
La SNCF a lancer en septembre un « concours de développement d’interfaces tactiles (ou multitouch) à destination des développeurs, ergonomes indépendants, start-up, Web agencies et autres SSII. Objectif de celui-ci : inventer une nouvelle façon de vendre des billets de train en boutique SNCF en utilisant les interfaces multitouch Windows 7 et Microsoft Surface. »
C’est clairement un appel à projet non rémunéré doublé de ce qu’on pourrait appeler « un vol de propriété intellectuelle ».
Je vous livre juste l’article 10 du règlement concernant la propriété intellectuelle :
- La SNCF est propriétaire de tous les droits de propriété intellectuelle relatifs aux interfaces soumises par les Participants ou aux concepts ergonomiques développés dans le cadre du Jeu.
- Le titulaire garantit à la SNCF la jouissance paisible des droits qui lui sont cédés contre tous troubles, revendications ou évictions quelconque. Il garantit notamment la SNCF contre toute action en contrefaçon de tiers.
- Dans l’hypothèse où une interface ou un concept ergonomique pourrait être considéré comme une œuvre susceptible d’être protégée sur le fondement du droit d’auteur, l’ensemble des droits patrimoniaux attachés à cette œuvre sont cédés, à titre gratuit, à la SNCF qui en devient propriétaire.
- Le candidat ne pourra donc en aucun cas se retourner vers la SNCF si les concepts ergonomiques développés se retrouvent en toute ou partie dans les interfaces développés ultérieurement au concours par la SNCF.
- La SNCF ne prend et ne prendra aucun engagement contractuel avec aucun des participants sur les suites données à ce jeu.
les liens sur 01.net qui est partenaire :
En conclusion, la SNCF se donne droit récupérer les bonnes idées, des gagnants ou non et d’en faire ce qu’elle veut. J’ai bien une dizaine de termes ou d’expressions pour qualifier ça, mais je doute qu’ils enrichissent la discussion !
Je trouve que ce type de concours dévalorise profondément la profession en demandant du travail gratuit. J’ai réellement du mal à comprendre l’intérêt de répondre à de tels concours et donc de les cautionner. Si quelqu’un pouvait m’expliquer ?
En complément.
Les résultats ont été publiés. Ils donnent lieu à un vote. Comme on pouvait s’y attendre, on trouve de très belles vidéos de communication ou de cinéma. Mais en terme d’ergonomie, en regardant de plus prés les vidéos, en ne s’intéressant qu’aux IHM, c’est d’une platitude absolue. Il n’y a rien de nouveau. Ce qui n’est pas étonnant, car les participants ne vont pas consacrer des moyens importants pour les trouver de bonnes idées à donner à la SNCF. Cela rejoint le sujet que j’ai déjà évoqué, pour innover il faut du temps et de l’argent.
Pour nous, ce type d’appel d’offres est évidemment problématique, on y trouve les mêmes clauses abusives que dans certains appels d’offres d’architecture ou heureusement la loi cadre les choses.
Quand nous répondons à ce type d’appel d’offre (pour le cas d’espèce, nous n’avons pas répondu), ce que nous faisons régulièrement, c’est de dénoncer les clauses qui nous posent problème (c’est courant et légal) en amendant leur étendue et en restreignant le cadre proposer qui porte régulièrement sur la propriété et l’accès ou l’utilisation des « œuvres » a postériori. rien n’oblige personne à donner tous ses droits d’auteurs sans contrepartie.