TJM : Tarif journalier moyen ou prix à la journée
J’ai eu, encore, une discussion houleuse avec quelques personnes au sujet des TJMs des freelances et certaines idées erronées à ce sujet. Alors je vais prendre le temps d’expliquer plusieurs points et d’éclaircir les choses.
Pour donner un petit aperçu de ce que j’ai entendu comme inepties au sujet des tarifs :
- « Oui, mais à 250€/jour à 20 jours, ça fait 5000€ par mois tu gagnes bien ta vie. »
- « Tu travailles 200 jours par an (sous-entendu tu en factures autant) »
- « Attends, en autoentrepreneur, avec 22% de cotisation sociale tu gagnes plus qu’un salarié. »
- « Oui, mais si tu travailles ou plus 4 jours/semaine sur un projet c’est comme être salarié. »
- « Tu fais partie des 10% des Français les mieux rémunérés. »
En parlant d’inepties, je peux paraitre assez rude, mais ce qui se cache derrière ces propos c’est un certain mépris pour une juste rémunération du travail et des compétences de chacun et en particulier de chacune.
Aparté sur la rémunération des femmes, à chaque fois que j’ai à recruter des freelances, les femmes demandent un TJM inférieur de 20 à 30% aux hommes à compétences égales, voire supérieures. Donc s’il y a bien un point de vigilance à avoir, c’est celui-là et de ne pas hésiter a proposer un TJM supérieur aux femmes.
À retenir
Vu que l’article est un peu plus long que prévu, ce que vous avez à retenir :
- Un freelance facture entre 120 et 150 jours par an, pour 210 jours travaillés
- Les charges sont de l’ordre de 1 000 € par mois.
- Les cotisations sociales sont dépendantes du statut de 22% du CA à 45% de la marge. Il est possible de les simuler sur le site de l’URSSAF
- Un TJM inférieur à 400 € n’est pas viable sur le long terme et entraine la paupérisation du freelance.
- [Màj] TJM = Revenu x 1,7 / 120 (Revenu net avant impôt souhaité, coefficient de 1,7 : charges et cotisations, 120 : nombres de jours facturés/an)
« Ah, le printemps ! La nature se réveille, les oiseaux reviennent, on crame des mecs. »
Kaamelott, Arthur.
Pour comprendre en détail il faut lire la suite !
La problématique
Cette attitude et ces propos conduisent à la paupérisation des freelances, car ils propagent l’idée que ceux-ci seraient trop payés et qu’il faut donc baisser leurs rémunérations.
Du côté des freelances
Ces propos ne sont pas que le fait de personnes salariées, mais aussi de freelances novices qui n’ont pas encore le recul nécessaire, qui se trouvent dans des situations financières favorables (sans enfant, avec un logement peu couteux, vivant de peu) ou cèdent à la pression exercée sur eux. Il faut souvent batailler pour leur faire comprendre que cette situation est une impasse et qu’ils se desservent eux-mêmes, mais aussi les autres professionnels.
En acceptant de baisser ses tarifs ou d’avoir des tarifs bas, par exemple en dessous de 400€, j’y reviendrai, le freelance va enclencher une boucle de rétroaction négative. En baissant son tarif, il se retrouve dans une situation de précarité l’obligeant à chercher toujours de plus missions, faire plus de jours à facturer donc consacrer moins de temps à se former, à monter en compétences, moins de temps pour trouver des missions intéressantes, dépenser plus d’énergie dans la gestion de petits projets et finalement accepter la première mission encore plus mal payée. Financièrement la conséquence est l’impossibilité d’épargner, donc de faire face à un imprévu ou simplement d’acheter son logement, déjà qu’il est compliqué d’emprunter ou de louer avec un statut de freelance. Autre conséquence, si un a un moment le freelance veut prendre un temps long pour se former, se réorienter ou doit modifier sa situation, il n’en aura pas les moyens.
Du côté des clients
Donc les propos cités conduisent à la paupérisation des freelances, car ils propagent l’idée que ceux-ci seraient trop payés et qu’il faut donc baisser leurs rémunérations. Mais on en revient surtout à favoriser une forme d’ubérisation qui considère que les TJMs des freelances sont une variable d’ajustement de la masse salariale afin de maximiser les bénéfices et de dépenser moins.
Sur un marché en tension comme celui des designers ou des développeurs, bien sûr, il y a un hic… C’est qu’il suffit d’aller voir ailleurs pour constater que l’herbe est plus verte, donc ça conduit juste à une fuite des compétences, un turn-over important et des difficultés à trouver des prestataires.
Donc petit rappel, la relation entre un client et un freelance est une relation contractuelle et commerciale. Même s’il peut y avoir négociation au départ, ce n’est pas le client qui fixe le tarif de manière unilatérale. Une discussion entre le freelance et le client doit s’instaurer et si par exemple le client n’a pas les moyens de ses ambitions, il est souvent possible de faire une proposition avec périmètre moindre, donc moins de jours, mais en gardant un tarif raisonnable.
Ceci dit, revenons-en au TJM.
Jours travaillés versus jours facturés
Déjà un premier point d’incompréhension c’est la différence entre les jours facturés et les jours travaillés. En tant que salarié, tout le temps que le salarié passe au travail, voir même le temps de trajet, dans certains cas, lui est payé. Qu’il discute à la machine à café, qu’il aille suivre une conférence à l’autre bout de la France, qu’il mette à jour son ordinateur ou remplisse le formulaire A38 pour que quelqu’un le fasse, qu’il regarde un tuto sur YouTube pour se former, qu’il parte en vacances, il est payé.
En freelance, en gros, tout ce que je viens de citer n’est pas directement facturé au client et en plus il faut faire un certain nombre de tâches que le salarié n’imagine même pas, mais qui sont nécessaire à la bonne marche d’une entreprise : La comptabilité, les déclarations de TVA et de revenu, la facturation, son suivi et les éventuelles relances voir les injonctions de paiement. Il y a aussi l’aspect commercial : faire et maintenir un site, un profil LinkedIn, établir une stratégie commerciale, créer et entretenir un réseau, acquérir une certaine notoriété ou faire du démarchage, établir les propositions commerciales.
Sachant que chaque projet a un temps administratif incompressible, plus vous avez de petits projets, plus le ratio administratif/productif va être défavorable.
Alors combien de jours, un freelance facture, dans une année ?
Il y a 251 jours ouvrés dans une année moins les jours suivants :
- 35 jours de vacances (Convention syntec = 5 semaines de congés + 2 de RTT)
- 12 jours de comptabilité, facturation & administratif
- 12 jours de commercial « passif » (réseau, publication, notoriété…)
- 12 jours de veille, formation & conférence
- 6 jours de « maintenance technique » et autres
- 10 jours de maladie du freelance ou de ses enfants
Déjà là au mieux du mieux un freelance facture 164 jours pour environ 210 jours travaillés.
164 jours, et il faut bien comprendre que c’est s’il n’y a aucune interruption dans les différents contrats, aucun jour de chômage technique ou aucun aléas. Ça veut dire donc probablement plusieurs missions longues qui se chevauchent dans l’année. Mais ça veut aussi dire que quand ces missions finiront, il y a aura une période d’intercontrat qui pourra durer plusieurs mois et qui nécessitera une phase commerciale active.
Dans la réalité, un freelance facture entre 120 et 150 jours par an.
Il peut y avoir des variations suivant les professions, les designers vont avoir plus des missions courtes ou avec une charge de 2 à 3 jours par semaine, là ou les développeurs seront plus sur des missions longues à 4 voir 5 jours par semaine.
165 jours c’est approximativement ce que j’ai facturé en 2021 avec deux missions longues sur toute l’année en parallèle, 2 ou 3 missions plus courtes et une semaine de cours. Fin juillet et début décembre, je suis arrivé à un stade où j’étais exténué, j’ai dû vraiment prendre des vacances, des vraies. Il faut prendre en compte que la charge de travail d’un freelance n’est pas linéaire, mais varie 0 à 200%, en l’occurrence là plus de 100% à 200%.
Cotisations sociales, charges et le reste
Pour la suite, tous les tarifs que j’évoque sont HT. Que la TVA soit reversée ou pas ça revient au même c’est transparent.
Bon une fois qu’on a facturé et reçu le paiement, il y a quelques trucs à payer.
- Les cotisations sociales
- Les charges
- Et de l’argent de côté pour pas mal de choses
Pour les cotisations sociales, ça dépend de la forme juridique, mais c’est compris de 22% à 45%, mais pas sur la même base. Le plus efficace pour comprendre ça c’est d’utiliser les simulateurs disponibles sur le site.
Les charges
Les charges, en fait il y a pas mal de choses à payer en freelance qui s’accumulent et qui forme une somme non négligeable chaque mois.
- Assurance 100 €/mois
- une assurance responsabilité civile pro 250 à 500 €
- une mutuelle : 600 à 1 000 €
- Informatique 275 €/mois
- Un ordi, un téléphone, une tablette : 3600 € amorti sur 3 ans donc 100 €/mois
- Les logiciels, Adobe, Figma, Sketch, Zoom, etc. : 100 €/mois
- Internet et téléphone : 75 €
- Bureau 300 €/mois
- Que ce soit à domicile ou dans un coworking, il faut un local pour travailler dans de bonnes conditions : 250 €
- Du matériel de bureau, c’est un investissement de départ.
- Des fournitures, post-it, crayon, papier, petit outillage, cartouches d’imprimante
- Déplacements 250 €/mois
- Si c’est dans le cadre d’une mission, ça peut être compris dans la prestation
- Dans la pratique, certains déplacements sont difficilement facturables à un client, par exemple quand je vais sur Paris, je loge chez ma sœur et je vois plusieurs clients.
- Formation & veille 100€/mois
- Pour aller une conférence, le billet, le transport et l’hébergement, environ 500 €. Ou beaucoup plus sur une grosse conférence internationale.
- Cours, formations, livres et autres abonnements
- Compta 50 à 150 €/mois
- Service bancaire 15€/mois
- Comptable 1 500 €/an ou association de gestion agrée 250 €/an
Donc au final, il faut compter près de 1000 €/mois de charges pour travailler dans de bonnes conditions. Alors oui, on peut faire durer l’ordi, pirater les logiciels, ne pas se former, ne pas s’assurer… mais ça ne me parait guère pérenne comme attitude.
Tout le reste
Oui, un petit détail, en freelance vous n’avez pas de chômage. Pas de bras, pas de chocolat, pas de travail, pas des sous. Une mission peut s’arrêter plus prématurément que prévu, pour une raison ou une autre. Il y a des moments de creux avec moins ou pas de travail. Il faut alors relancer la machine commerciale. Donc les revenus peuvent fortement varier d’une année sur l’autre. Il faut donc anticiper. Pour donner une idée, mes revenus en freelance depuis le début.
Depuis juin 2021, le freelance est un peu mieux couvert en cas d’arrêt maladie (entre 22€ et 169€ par jour d’arrêt, 1/730e du revenu annuel, 90 jours max) ce qui n’était absolument pas le cas avant. Mais en cas de maladie chronique par exemple, une partie du temps et de la charge mentale est consacrée à se soigner. Ce qui entraine nécessairement une perte de revenu qui ne sera pas compensée par l’assurance maladie. Par exemple 3 séances de kiné par semaine, ça fait 3 demi-journées de perdu, mais pas pour autant 3 jours d’arrêt maladie. J’avais déjà parlé de maladie chronique. De même pour un enfant qui reste à la maison pour suspections de covid en attendant de se faire trifouiller le nez ou pas.
Puis, oui, il n’y a pas de Comité d’Entreprise pour fournir des voyages ou des vacances subventionnés. Pendant, les vacances non seulement le freelance dépense de l’argent, mais en plus il n’en gagne pas.
Donc globalement, il faut mettre de l’argent de côté pour des choses prévisibles et des imprévus, genre une pandémie mondiale, des élections, une guerre aux frontières de l’Europe qui bloque l’économie.
Des chiffres, des sources et des calculateurs
Quand on parle de freelance, une des difficultés est d’avoir des chiffres fiables sur les tarifs réellement exercés et sur le CA obtenu au final.
Si on regarde une plateforme comme Malt ou toute autre plateforme proposant un catalogue de freelances, les tarifs affichés sont biaisés :
- soit le freelance est junior, sans références, sans notes et est donc en concurrence avec plein d’autres freelances dans ce cas et la tendance va être de tirer le prix vers le bas.
- soit le freelance est bien noté, senior, etc. et il peut afficher le prix qu’il veut, il sera toujours sur la première page, mais c’est pas forcément son tarif réel.
- soit le freelance a un vrai réseau, une vraie notoriété et il n’est pas sur ce type de plateforme.
On peut noter que les Designers interactifs font régulièrement des études sur les salaires ou les revenus des freelances, avec le souci que ces études sont faites en lignes et donc le panel qui répond n’est pas représentatif et la taille des échantillons n’est jamais précisée dans les résultats. Dans cette étude « Combien gagnent les designers et designeuses numériques en France ? » par exemple, il y a un millier de répondants, mais seulement 13% de freelances entre autoentrepreneur et entreprise individuelle, soit 130 personnes environs.
De mon côté, j’avais réalisé une étude sur les salaires des designers, mais encore une fois les répondants étaient les personnes que je pouvais atteindre dans mon réseau.
La source la plus fiable que j’ai pu trouver est les statistiques de l’UNASA, les associations de gestions agréées qui ont les vrais chiffres. On peut regarder par exemple la catégorie des designers pour 2019.
Ça permet de voir la répartition des chiffres d’affaires et pour un quartile donné de voir comment sont réparties les dépenses. J’y mettrai encore un bémol, c’est que les catégories correspondent aux codes APE et que les UX designers peuvent être en design, en graphiste, ou dans un sombre code de conseil. C’est une peu la loterie.
Des simulateurs
Feu le site kob-one avait développé un excellent simulateur pour calculé son TJM en fonction d’un équivalent salaire. Heureusement on peut retrouver une version sauvegardée et fonctionnelle sur web.archive.org.
Eric Daspet a aussi construit une google sheet qui permet de jouer avec les différents paramètres et de comprendre ce qui rentre en compte dans un TJM et il y a beaucoup de choses !
Et comme je l’ai déjà cité le simulateur pour les cotisations sociales de l’URSSAF.
Trois situations concrètes
Je propose trois cas pour rendre tout ça concret.
- Le premier est un chiffre d’affaires de 72 000 € ce qui correspond au maximum de ce que peut gagner un autoentrepreneur. Ça correspond à 120 jours facturés à 600 € pour un profil médian, sur une année moyenne, ou ça peut correspondre à 160 jours à 450 € pour un junior à plein temps.
- Le deuxième correspond à un chiffre d’affaires de 120 000 € soit un senior travaillant à 800 € facturant 150 jours. Ça correspond au chiffre d’affaires maximum qu’on peut atteindre en freelance, donc ça reste exceptionnel.
- Le troisième sera un scénario médian, je dirai réaliste pour quelqu’un qui a 4 ou 5 ans d’expérience comme freelance et 7 ans ou plus dans son métier. Ça correspond à un chiffre d’affaires de 94 500 € soit 135 jours payés à 700€
Attention toutefois, j’ai fait des calculs au mieux, sur la base de certains choix. Ça reste un ordre de grandeur réaliste, mais par forcément la réalité comptable exacte.
Pour chaque cas, je propose 4 ou 3 scénarios en fonction de la structure juridique du freelance, sachant qu’il n’est pas possible d’être en autopreneur au-delà de 72 000 €. Je prends pour les charges la somme de 12 000€, soit 1 000 € par mois. C’est un chiffre cité régulièrement qui me parait assez réaliste et que j’ai détaillé ci-dessus.
Les structures sont les suivantes :
- Autoentrepreneur : les cotisations sociales sont calculées sur le CA sur la base de 22% sans prendre en compte les charges.
- Entreprise individuelle : les cotisations sociales sont calculées sur la marge ((CA – charges)x moult taux et seuils)
- SASU : Le calcul est fait avec une part minoritaire de dividendes (bénéfice – 30% d’impôts sur les sociétés) et une part de salaire sur lequel on paye des cotisations sociales.
- CAE, Coopérative d’activité et d’emploi : la CAE prend une part pour son fonctionnement, 15% dans cet exemple, mais c’est très variable suivant la CAE, et verse un salaire sur lequel on paye des cotisations sociales.
Je me suis appuyé sur ces calculateurs de cotisations sociales : Autoentrepreneur, Entreprise individuelle, SASU-Salaire
Le revenu final est revenu net avant l’impôt sur le revenu.
Pour 72 000 € de CA, cela donne les revenus nets suivants :
- Autoentrepreneur : 44 088€ soit 3 674€/mois
- Entreprise individuelle : 40 704€ soit 3 392€/mois
- SASU : En comptant 15 000 € en bénéfice, le reste en salaire : 35 484 € soit 2 957 €/mois
- CAE : 28 369€ soit 2364 €/mois
Si on parle de design, ça correspond globalement au salaire d’un designer junior en sortie d’école ou avec moins de 3 ans d’expérience telle que ma précédente étude sur les salaires des designers l’a montrée.
Pour 120 000 € de CA, cela donne les revenus nets suivants :
- Entreprise individuelle : 75 982€ soit 6 332€/mois
- SASU : En comptant 28 000 € en bénéfice, le reste en salaire : 64 354 € soit 5378€/mois
- CAE : 58 698€ soit 4 892€/mois
Dans le domaine du design, ça corresponds à des postes correctement payés de lead designers seniors, sachant qu’à ce niveau d’expertise les salaires peuvent diverger fortement. Un lead designer ayant une vingtaine d’années d’expérience et ayant bien négocié sa carrière sera a plus de 100 000€ de salaire. Un designer senior avec une carrière plus classique dans un grand groupe sera dans ces tarifs-là autour de 60 à 70 000€ avec une grande variabilité. Mais encore une fois faire 120 000€ de CA et en freelance reste une exception.
Pour 94 500 € de CA, cela donne les revenus nets suivants :
- Entreprise individuelle : 56 594€ soit 4 716€/mois
- SASU : En comptant 22 500 € en bénéfice, le reste en salaire : 49 118€ soit 4 093€/mois
- CAE : 39 223€ soit 3 269€/mois
Si on parle de design, ça correspond effectivement au salaire d’un designer avec une dizaine d’année d’expérience. On reste vraiment dans la moyenne des revenus pour le secteur. C’est un niveau de revenu réaliste pour un bon designer en freelance.
Pourquoi payer un freelance moins de 400 € est problématique ?
Disons qu’un freelance est payé 300€, qu’il facture le maximum soit 150 jours, il va donc gagner 45 000 €. Il est en autoentrepreneur et donc il verse 9990 € de cotisation, il paye 12 000 € de charges, ça ne change pas. Et donc il gagne royalement 23 010 € soit 1917,5 € par mois. Alors 1917,5 € ça correspond à quoi ?
Et bien si on regarde les statistiques de l’INSEE
- le salaire moyen en 2016 est de 2 238 €
- le salaire médian est de 1 789 €,
- le 6e décile à 1 995 €
- le 9e pour être dans les 10% qui gagnent le plus commence à 3 576 €
- le salaire moyen des cadres 4 060 €
Rappel : PAS DE CHÔMAGE, pas de CE, pas de tickets resto…
Avec 1917,5 € il est possible de vivre en couple avec deux revenus, sans enfants, en province. Il ne faudra juste pas vouloir acheter un deuxième vélo électrique tout de suite. Bon à Paris, ça devient plus compliqué, célibataire ou divorcée, ou une envie d’avoir un enfant et autre chose que de louer un studio de 12m carrés à 600€ ?
Donc là, on a quelqu’un qui a fait des études supérieures, qui se retrouve dans une situation qui n’est pas viable.
Il faut recadrer les choses. Un designer sorti d’école peut envisager 3000 € de salaire, un dev au moins autant ou plus en ces temps de disette. Donc il n’est juste pas possible de payer un freelance qu’il soit designer, développeur ou tout autre métier du numérique, moins de 400 € par jour sauf à vouloir le maintenir dans une situation de précarité. C’est le principe de l’ubérisation : « vous êtes libre, indépendant, mais on ne vous paye pas assez pour que vous ayez le temps d’aller voir ailleurs, sauf le jour où on décide de vous jeter ».
Synthèse
Vous êtes arrivé jusque là. Bravo !
Donc pour résumer les points clefs :
- Un freelance facture entre 120 et 150 jours par an, pour 210 jours travaillés
- Les charges sont de l’ordre de 1 000 € par mois.
- Les cotisations sociales sont dépendantes du statut de 22% du CA à 45% de la marge. Il est possible de les simuler sur le site de l’URSSAF [https://mon-entreprise.urssaf.fr/simulateurs]
- Un TJM inférieur à 400 € n’est pas viable sur le long terme et entraine la paupérisation du freelance.
Je vais conclure par un graphique qui synthétise tout cela. Quand un freelance reçoit 100 € cette somme en réalité répartit de la manière suivante :
- Une partie non facturée 43 €
- 14 € pour les congés payés
- 4 € pour les congés maladie
- 17 € pour le fonctionnement de l’entreprise
- 8 € pour le chômage et les aléas divers
- Une partie facturée 57 €
- 7 € de charges
- 16 € de cotisations sociales
- 34 € de revenu net
Au prochain qui me dit qu’un freelance est trop payé
« Ah, le printemps ! La nature se réveille, les oiseaux reviennent, on crame des mecs. »
Kaamelott, Arthur.
Merci Raphaël pour cet article.
Je l’ai lu en me disant « mais ouais, carrément ! » toutes les deux phrases.
D’ailleurs, un des coûts indirects du freelance à ajouter : écrire des articles justes, pertinents et documentés 😉
Je me permets, tout en abondant dans ton sens, de compléter une chose.
Le TJM est un sujet de questionnement chez les étudiants.
Je donne des cours d’ergonomie / UX à des 5e années, en école, IMT ou Université en plus de mes missions. Certains se destinent à créer une entreprise.
Autant la question du salaire est vite balayée, autant celle du TJM est beaucoup plus critique.
Quand j’annonce un TJM autour de 600/700€ (tes calculs sont justes) avec 15 ans d’expérience, ils me disent « mais ça gagne trop bien ! ».
Après, je leur explique ce qu’il y a derrière.
Je leur montre aussi que j’avais le même tarif il y a 10ans.
Là, le discours change…
Mais voilà le plus intéressant : quand je leur demande combien il factureraient pour leur première mission, ils me répondent 150€/j (design-euse) -250€/j (design-eur). Je suis effaré.
Ils se bradent sans s’en rendre compte, ou par peur de ne pas être légitimes.
Je leur explique que le tarif décidé dès le début de la première mission sera difficile à faire évoluer par la suite. Et en plus ça casse le marché.
Ça casse le marché pour les séniors en place. Ça casse aussi le marché pour les juniors qui vont ramer pour faire remonter leurs tarifs quand ils auront plusieurs années d’expérience.
C’est un mauvais pari sur le moment et pour l’avenir.
Je leur apprends donc à défendre leur TJ max. et, pour ne pas être trop cher, de compter moins de temps total, quitte à consacrer plus de temps à la mission gratuitement.
Il est plus facile d’augmenter une enveloppe de temps qu’un TJM.
S’ils travaillent en régie, 210j/an, le problème se pose aussi.
Ils demanderaient moins qu’un salarié. Pour eux, être freelance c’est juste un moyen de rentrer dans une entreprise et prendre un CDI derrière.
Freelance=période d’essai.
Il y a un gros travail à faire sur l’entreprenariat avec les futurs professionnels de l’ergonomie et du design (et certainement des autres métiers).
Je te rejoins parfaitement sur la question. Un des cours que je fais porte justement sur comment établir une stratégie UX dans le cadre d’une mission et comment chiffrer cette mission. C’est toujours … éducatif ! 😉
Félicitations et merci pour cet article très pertinent !
PS: je suis traducteur/rédacteur indépendant et serais ravi de vous aider à relire vos articles (cet article comprend plusieurs fautes d’orthographes qui contrastent fortement avec le sérieux de vos propos).
orthographe pardon*
Je me suis relu après avoir posté mon commentaire.
Ce qui m’aiderait, c’est surtout de me dire quelles sont ces fautes et comment les corriger.
Là, je peux juste rien faire.
Bonjour Raphaël, et merci pour cet article!
Il m’aide bien dans mon démarrage en autoentrepreneur pour fixer mon TJ (et avoir les arguments pour le défendre)
Je n’ai pas scruté en détail les fautes, j’en ai vu juste une : « 3000 € de salaire, un dev au moins au temps ou plus en ces temps de disette. » (au temps > autant)
… mais je trouve que ca ne contraste pas tant que ca avec le sérieux de vos propos 😉
Merci!