Sommaire
Un éclairage sur les tendances actuelles et à venir de l’UX
Ça fait un moment que je me pose cette question : Comment va évoluer mon métier ? Comment ai-je envie de le faire évoluer ? Quelles sont les tendances qui vont émerger ? Comment vais-je avoir un temps d’avance sur la prochaine itération ?
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Notez que ce n’est pas toujours pertinent d’avoir de l’avance, ça demande beaucoup d’énergie et ce n’est pas forcément très rentable. En gros, je résumerais ça à « qu’est-ce je vais faire dans les années à venir pour gagner bien ma vie sans trop bosser et bosser en me faisant plaisir, en respectant mes valeurs ? »
Donc naturellement, j’en suis venu à réfléchir à l’avenir de l’UX au sens large. L’idée est pour moi de détecter les signaux faibles, de voir l’évolution du métier dans les années à venir, à plus ou moins long terme, je dirai dans les 2 à 5 ans voire un peu plus mais je n’y crois pas trop. Pour ça, j’ai commencé par synthétiser ma veille et mes idées principales sous la forme d’un mind-mapping et ensuite je suis allé confronter mes idées avec diverses personnes du monde du design et de l’UX. D’où la réalisation d’une bonne douzaine d’entretiens plus ou moins long. Pour dire vrai, ça tournait souvent plus autour des deux heures, voire plus, que de l’heure initialement prévue. J’ai ainsi essayé, dans la mesure du possible, d’avoir une certaine diversité de points de vue.
Je remercie Maïtané Lenoir, Corinne Moreau, Yann Saint-clair, Pierre Lannes, Carine Lallemand, Bertrand Cochet, Raphaël Ibarboure, Clément Driollet, Léa Mendes, Damien Legendre, Stéphanie Walter, Marie-Cécile Paccard, Arnaud Schmikla, Cédric Bertolus pour le temps qu’ils ont bien voulu m’accorder.
Pour vous remettre un peu dans le contexte, je vous encourage aussi à relire les articles que j’avais écris sur le marché de l’UX en 2016 , en 2012 et en 2008. Et oui, ça remonte un peu loin dans le temps ! Je concluais en 2016 :
Et à l’avenir ?
Je retiendrai de l’évolution des quatre dernières années le renforcement des équipes UX chez « l’annonceur » avec une montée en puissance des agences spécialisées dans le domaine de l’UX. Il est probable que ce processus continu voire s’accélère.
Les méthodologies de co-conceptions vont permettre de faire avancer l’UX dans les entreprises et pour une part faire évoluer les processus de conceptions des projets, mais ça reste des petits pas, les uns après les autres. Il ne faut pas en attendre une révolution. La formation et le recrutement restent la problématique clef à résoudre dans les années à venir.
Je ne vais pas faire le constat de ce qui est arrivé depuis deux ans, mais plus vous parler des tendances que je vois émerger à partir de ce schéma. Pour faciliter la lecture, je vais le décrire dans le sens des aiguilles d’une montre en partant de l’éthique.
Schéma de l’avenir de l’UX au format PDF
Éthique
S’il y a bien une tendance qui s’est développée ces deux dernières années, c’est celle de l’éthique. Avec la création de l’association des Designers éthiques et la 2e édition de la conférence Ethics by Design, le sujet devient public. J’ai aussi pu le voir en introduction de la conférence Interaction 18, où Alan Cooper nous parle d’être de « bons ancêtres ». L’idée n’est pas forcément d’être un militant extrémiste tous les jours, mais de se demander ce qu’on pourra raconter à nos petits enfants ou aux générations futures quand on sera vieux et gâteux, et de là s’interroger sur nos actions pour savoir si elles vont contribuer à un monde meilleur ou non. Que l’on soit clair, juste après la conférence d’ouverture d’Alan Cooper, il y avait une conférence sur un miroir connecté qui permet de choisir ses vêtements et d’en commander d’autres chez Amazon. Il y a encore une réelle dichotomie entre éthique et « business as usual ».
Si nous concevons pour le bien de l’humanité, la notion de « communs 1 » vient rapidement. Je prends souvent l’exemple du coworking pays basque où je vais travailler régulièrement. C’est un vrai coworking associatif avec une organisation à plat, sans président, sans trésorier, mais des processus de fonctionnement bien établis. Il s’est construit en plusieurs temps, sans que les coworkers soient réellement conscients de construire un commun, mais aujourd’hui plus de 100 personnes le gèrent et viennent y travailler. Vous allez me dire : Quel est le rapport avec l’UX ? Et bien une grande partie de cette construction s’est faite sur la base d’un mélange de méthodes de design, d’agilité et de co-conception. Au-delà de cet exemple précis, c’est aussi la question de l’économie sociale et solidaire qui est à aborder. Cette forme d’économie ne peut s’envisager réellement sans prendre en compte les bénéficiaires vu qu’elle n’a pas pour objectif d’enrichir des actionnaires.
Cela pose aussi la question de la représentativité. J’entends par représentativité, le rapport entre la population cible ou concernée et la population visible ou ceux qui sont censés la représenter au sens large. Que ce soit :
- L’UX designer qui va avoir ce rôle de représenter les utilisateurs au sein du projet et il devra se confronter régulièrement à ceux-ci.
- Pour une conférence, où les femmes sont souvent sous représentées même si elles sont bien souvent plus pertinentes. J’avais fait le compte par exemple en 2016 pour les UXdays : Une légère majorité de femmes chez les participantes, la parité entre oratrices et orateurs, une grosse majorité (60 % homme vs 40 % femme) de propositions de conférences par des hommes, donc une meilleure qualité des propositions chez les femmes.
- Pour une entreprise, Léa me citait le cas de son entreprise, avant son arrivée, une start-up parisienne qui s’adresse à un marché de gérants du transport routier. D’un côté des jeunes développeurs et designers certes talentueux et de l’autre des gérants issus du terrain, plus dans une tranche d’âge commençant à partir de 45 ans. Le design avec des nuances de gris, sans doute très élégant dans un bureau parisien était perçu comme complexe et inadapté par le gérant devant son écran qui essaye remplir ces camions, au bout du quai de chargement.
Cette question est complexe car elle implique aussi des choix ou des états de faits au niveau de la société dans laquelle nous évoluons, comme l’éducation, la formation ou le management.
Holistique
Donc bien sûr les UX designers conçoivent pour des humains, même s’il est encore trop souvent nécessaire de le rappeler.
L’UX sans Utilisateurs n’est que pornographie
Ils travaillent pour des humains dans toutes leurs diversités permanentes, temporaires ou évolutives. Ces humains ne sont pas isolés seuls au monde, ils sont toujours dans des contextes, des interactions avec d’autres humains mais aussi dans un environnement vivant. Aujourd’hui, il n’est plus raisonnable de penser uniquement en termes d’activité ou d’opérateur.
Est-ce que je vais travailler sur la dernière application de location de trottinettes électriques en libre-service en ignorant ce que ça implique en termes de prédation sur l’environnement, de travail précaire et de privatisation de l’espace public ?
Cet aspect holistique rejoint le design systémique. Mais je mets aussi derrière cette notion d’holistique, une notion plus vague que j’ai encore du mal définir. L’idée m’est venue en regardant la série « Dirk Gently, Détective holistique ».
Dans cette série, Dirk Gently, détective de son état, mène une enquête d’une manière qui semble incohérente au premier abord, mais lui est persuadé d’être juste à l’écoute de l’univers qui l’incite à faire certaines actions à certains moments. Au final, les pièces du puzzle se mettent en place et il sauve le monde sans pour autant résoudre l’enquête initiale.
Dans bien des cas, quand je commence une mission, je ne connais ni le contexte, ni les utilisateurs, ni les résultats qui vont être obtenus. Au mieux j’ai une vague idée. J’ai surtout une idée du chemin à parcourir. Mais à un moment les choses prennent position et naturellement les solutions émergent. Certes ce n’est sans doute pas l’univers qui me pousse à agir, plus simplement c’est sans doute l’expérience et l’environnement immédiat, mais au final, ça a un côté magique ! Toujours est-il si vous avez une définition plus précise du « design holistique » je suis preneur.
C’est surtout pour moi une piste de travail à l’avenir, et sans doute un axe de développement d’un design vivant.
Collapsologie
Derrière ce gros mot de collapsologie 2 se cachent plusieurs notions liées au design. À l’ère de l’Anthropocène 3 , l’humain agit sur son environnement plus que jamais auparavant. Cela rejoint ce que je disais précédemment sur le vivant et je vais citer Geoffrey Dorne lors de la conférence Blendwebmix, qui lui-même cite Alain Findeli pour expliquer sa démarche de designer :
La fin ou le but du design est d’améliorer ou au moins de maintenir l’habitabilité du monde dans toutes ses dimensions.
J’ai déjà évoqué ce thème en parlant d’éthique, mais ça recentre le sujet avec le point de vue particulier du lien entre le changement climatique et notre mode de vie consumériste et des crises probables à venir. Pour répondre à ces futurs bouleversements, il faudrait concevoir dès maintenant des écosystèmes résilients, c’est-à-dire capables de s’adapter, de réduire l’impact et de rebondir face aux changements. Même si ces changements et leurs impacts sont aujourd’hui encore difficiles à concrétiser. Cette résilience passe par une plus grande proximité des acteurs, des réseaux d’entraide, des savoir-faire et des savoir-être permettant notamment la gouvernance de ressources plus frugales.
Il est possible d’observer déjà certaines de ces démarches même dans le domaine de l’informatique, avec par exemple l’apparition des CMS (Content Management System) statiques peu gourmands en ressources ou dans une logique poussée jusqu’au bout un site web hébergé sur un mini-serveur alimenté par un panneau solaire. Quand il n’y a pas assez de soleil, le serveur ne fonctionne plus, il faut attendre le jour suivant.
Même dans notre quotidien, les solutions high-tech ne sont pas toujours les plus performantes. Je reprends l’exemple du coworking, il dispose de deux salles de réunions. Il fut un temps où la réservation des salles se faisait en ligne, sur un Google Calendar faute d’avoir trouvé une solution viable (installable et maintenable par notre communauté). Mais comme personne ne retrouvait jamais le calendrier en ligne, surtout quand il était devant la porte de la salle qu’il voulait utiliser. Il a été décidé d’un commun accord de revenir au calendrier papier accroché sur la porte. Et si quelqu’un a besoin de réserver une salle à distance, il envoie un email, une bonne âme va vérifier et l’inscrire sur la porte.
De plus en plus de sujets en design d’expérience utilisateur ne concernent plus le numérique, mais uniquement des aspects analogiques. Je vois la demande croître sur du design d’espace comme des bibliothèques ou des lieux d’apprentissages, ainsi que pour des services aux citoyens.
La temporalité
J’ai rassemblé là de nombreux aspects qui peuvent être répartis en fonction du temps que l’on souhaite y accorder. À un bout de l’axe, j’ai mis la Slow UX et à l’autre bout l’UX “Fast and Furious”. J’ai évoqué ces sujets récemment dans une conférence, la kiwiparty, en juin dernier et je vais y revenir plus en détails avec les tendances que j’ai pu identifier.
Je vais commencer par le “Fast and Furious” qui est symbolisé par le design sprint. Je ne dis pas que c’est la seule méthode concernée, mais c’est clairement la plus visible actuellement. J’observe que les designs sprints sont menés par des agences qui se sont spécialisées sur le domaine, je pense notamment au Laptop à Paris, Stéphane Cruchon en Suisse ou A&JSmart à Berlin. Ce qui me fait dire que cette méthodologie reste sur un marché de niche et qu’elle a peu de chance d’évoluer au-delà. L’impression que j’ai, c’est que le design sprint est dans sa période de vache à lait et d’ici quelque temps il va entrer dans sa phase déclin. Je m’interroge aussi sur l’hyperspécialisation de ces agences. Comment continuer à être pertinent quand la même équipe répète encore et encore la même méthodologie toutes les semaines ? Comment ne pas lasser ces équipes ? Sachant que la part du temps consacrée aux utilisateurs reste faible dans ces sprints, à moins d’avoir une phase de préparation en amont et une phase de restitution. Où l’on en arrive à proposer des sprints qui se suivent et qui débouchent sur un marathon… Oui j’ai déjà entendu parler de sprint de 5 semaines.
You could use a second sprint to iterate and polish the idea, bringing it very close to production-ready, or you could use the prototype to sell the idea further and develop the concept.
A&J Smart
Le sprint est par contre un bon support pour des formations courtes, car il permet de balayer diverses étapes d’un processus UX, souvent avec un cas concret et la présence de vrais utilisateurs.
Le Lean UX est un sujet qui a émergé naturellement lors des entretiens et disons clairement que c’est un sujet controversé. Déjà, le Lean en général a très mauvaise presse auprès des ergonomes et des psychologues, car l’idée originelle de s’appuyer sur les connaissances des acteurs du terrain pour améliorer les processus, a été largement dévoyée. Il en est de même avec le Lean UX, dans une joyeuse confusion entre agilité, productivité et chaos, les résultats… heu non en fait… Il n’y a pas de réelle mise en œuvre ni de réel résultat. Dans le meilleur des cas, ça se résume souvent à une meilleure collaboration dans l’équipe de production, mais c’est plus de l’ordre de la bienveillance que du Lean UX. Le Lean UX est un non sujet.
Par contre, le gros sujet émergeant est le « design ops ». Gilles Demarty m’a mis la puce à l’oreille et j’ai pris le temps de fouiller un peu. La partie émergente de l’iceberg, c’est, pour l’instant, les design system et autre Atomic design. Ce n’est guère nouveau, avant cela s’appelait GUI (Guidelines of User Interface) ou Look & Feel, ou encore charte ergonomique et graphique. Là où ça prend de l’ampleur, c’est que maintenant, de vrais services « Design » sont mis en place dans les entreprises au même titre que les services informatiques, financiers ou marketing. Si je reprends l’échelle de Nielsen de la maturité de l’UX en entreprise, je pense qu’un nombre significatif d’entreprises ont atteint le niveau 6 ou 7 sur 8. Des conférences spécialisées dans le design ops voient aussi le jour notamment aux États-Unis ou en Angleterre.
Donc au-delà du design system, il y a la question du flux de production de l’expérience utilisateur. Comment le design system est utilisé par les UX mais aussi par les dev-fronts ? Comment est-il conçu, maintenu et comment il évolue ? Quels outils sont mis en œuvre ? Sketch, Invision, Zeplin ou Adobe XD, avec du versioning ? Ou un outil plus collaboratif comme Figma ? En amont, comment les besoins des utilisateurs sont-ils pris en compte ? En aval, comment ce qui est produit est-il validé auprès des utilisateurs ? Comment l’évolution sur plusieurs années est-elle prise en compte ? Est-ce que les utilisateurs de Blablacar ou d’un autre service d’il y a 5 ans sont toujours les mêmes que ceux d’aujourd’hui et que ceux dans 5 ans ? Probablement non, ou alors ils sont passés du statut d’étudiant utilisant le covoiturage à celui de conducteur proposant des places.
Lié au Design Ops, il y a plusieurs problématiques :
- Celle du recrutement dans ces services de design qui grossissent et la difficulté à trouver des personnes compétentes. J’y reviendrai.
- Celle de la temporalité entre production à courts termes et vision à long terme.
- Celle de faire travailler ensemble différents métiers, de l’UX research au dev front ou back, dans une réelle continuité et pas simplement un passage de patates chaudes.
- Il y a aussi la question du rôle des agences UX externes dans l’accompagnement de leurs clients. Damien me disait que de plus en plus de clients ont atteint une certaine maturité. Ils ne vont donc pas juste demander une prestation en UX, mais aussi une transmission de certains savoir-faire. Par exemple, la refonte d’un site va s’accompagner de la livraison du design system et de la formation pour l’utiliser et le faire vivre. L’agence sera toujours consultée pour des conseils ou pour de la recherche utilisateur.
Je constate aussi dans cette tendance forte qu’est le design ops, une industrialisation de l’UX Design.
Quand je parle de Slow UX, l’intention est de prendre le temps qu’il faut pour faire les choses correctement. Dans un projet, impliquer les utilisateurs va prendre du temps. Si vous avez des entretiens exploratoires à mener, il faut prendre rendez-vous en fonction des disponibilités de chacun, etc. Ça prend souvent un bon mois pour une dizaine d’entretiens, pareil pour des tests utilisateurs. Au-delà de ces aspects logistiques, je m’aperçois avec l’expérience que les premières pistes évoquées sur un projet sont souvent médiocres, c’est-à-dire suffisantes pour faire le boulot et satisfaire le client. Mais il me faut souvent un temps de réflexion ou d’échange avec d’autres participants du projet pour faire maturer les idées et trouver la solution qui sera élégante. C’est cette solution qui permettra un usage efficient et une certaine robustesse vis-à-vis des évolutions futures.
Le temps de réflexion au début du projet est aussi nécessaire. Il est nécessaire de réfléchir en amont aux méthodologies qui vont être appliquées sur un projet, aux données qui sont nécessaires, aux hypothèses à vérifier, peut-être tester des premières idées, faire des croquis pour poser des pistes, etc. Cette phase de réflexion consiste surtout à produire de la connaissance, du savoir qui sera utile pour faire des choix dans la suite du projet. Malgré cela, toutes les entreprises n’ont pas encore la maturité nécessaire pour mettre en place ces phases. Stéphanie évoquait les difficultés à bien vendre la part de l’UX dans les grandes entreprises de conseil avec processus encore aléatoire et une méconnaissance des commerciaux vis-à-vis de l’UX.
Le design ops est clairement la tendance qui émerge actuellement et qui va nécessairement prendre du poids dans les années à venir. Une conséquence de cette maturité : plus de temps sera consacré à la réflexion dans les processus mis en place. Le design sprint est juste une méthode d’appoint pour booster, démarrer certains projets ou il servira comme support de formation.
Stratégie UX
Le design de service est un courant de l’UX depuis plusieurs années. J’en fais régulièrement sous différentes formes. Paradoxalement, ce n’est pas un courant qui prend de l’ampleur en France. Alors quand j’en parle avec d’autres designers, comme Bertrand ou Pierre, nous avons l’impression que c’est l’arbre qui cache la forêt ou plus précisément la forêt qui cache l’arbre dans le sens où beaucoup de projets sont du design de service sans le dire. Aujourd’hui, si vous faites une application pour un robot de cuisine connecté, ce n’est pas juste un objet. Vous devez mettre en place un site avec des recettes, une communauté, un service après-vente, de la maintenance et donc concevoir un service derrière l’objet.
La question du design de service public est aussi intéressante, car elle n’est pas encore mature en France. Les équipes politiques en place ne sont pas forcément prêtes à entendre que les citoyens puissent avoir de bonnes idées et décider à leurs places. Même si les fonctionnaires sont demandeurs de ses démarches participatives pour améliorer leur travail et mieux rendre service au public, il existe encore de nombreuses résistances aux changements.
À l’inverse, la co-conception est maintenant le nerf de la guerre de tous les projets. Elle est nécessaire pour impliquer tous ses acteurs. Ça permet de créer une dynamique intéressante dans les équipes, de communiquer sur les méthodes d’UX et de former les participants pour s’en faire des alliés. Les limites de cela c’est que la gestion de la co-conception n’est pas innée. Il est aussi difficile de trouver des formations pour cela. Les UX designers issus de la psychologie, de la sociologie sont peut-être les mieux armés pour gérer ces situations de par leur formation centrée sur l’observation des relations humaines.
Dans le même ordre d’idée, le design thinking est une démarche « à la mode » et donc en partie galvaudée. Aujourd’hui, parler de design thinking c’est prendre le risque de tomber sur quelqu’un d’échaudé par des expériences peu réussies.
Pierre a aussi évoqué une part importante de son travail qui porte sur le design prospectif. C’est-à-dire de travailler sur des solutions futures, imaginer demain, voire après-demain dans des domaines comme la santé ou l’automobile. Diverses méthodes d’innovation sont utilisées. Un gros travail de recherche documentaire est fait avant d’utiliser des méthodes comme la méthode AXE pour évaluer les concepts. Ça permet aussi de réfléchir à l’obsolescence prévue. Quand vous concevez un service ou un produit et que vous vous rendez compte que ce produit ou service va être obsolète dans 6 mois, il faut peut-être pousser les curseurs un peu plus loin et concevoir directement l’itération suivante. Ça rejoint les réflexions précédentes sur un design permettant de maintenir l’habitabilité du monde.
À force de travailler avec et pour les humains, il est inévitable que les entreprises pour qui l’expérience utilisateur ou l’ergonomie sont au cœur de leurs métiers se posent aussi la question des individus au sein de leur structure. Certains parleront « d’expérience employé·e » ce qui me parait un peu réducteur. Par contre ça veut dire que ces entreprises réfléchissent sur leurs valeurs et surtout les mettent en pratique. Léa me parlait des personnes qu’elle rencontre en entretiens d’embauche et elle note un changement important. Les postulants lui demandent aujourd’hui quelles sont les valeurs de l’entreprise et comment elle les met en œuvre. Ils cherchent du sens, de la bienveillance plus que des technos, des méthodologies ou un salaire. Et sur le marché tendu de l’emploi parisien en UX, ou plus généralement dans la tech, c’est les postulants qui font la loi. De là émergent aussi de nouvelles formes de (non) management des entreprises avec des organisations à plat, en holacratie 4 . Certes les entreprises avec ce type gouvernance sont encore peu nombreuses, mais l’agence LIIP est un exemple dans le monde du numérique. À côté de cela, le développement de coopératives ou de collectifs de freelance dans le numérique est rapide. Il met en évidence l’importance des relations humaines et de la gouvernance dans ces organisations.
La gouvernance est aussi un point clef dans la participation des UX designer à des projets de développement de logiciel libre, comme l’évoque Maïtané dans sa conférence sur la participation des designers à ce type projet. Jusqu’à maintenant, la participation des UX designers à ce type de projet a souvent été limitée. Mais une association comme Framasoft qui a pour objectif de fournir des solutions alternatives aux solutions propriétaires, se rend bien compte que le point crucial n’est pas la technique, mais l’expérience utilisateur. Il faut donc mettre en place des modes collaborations au sein de ces projets qui définissent clairement comment sont prises les décisions de faire ou pas telle ou telle fonction.
Co-conception, gouvernance et prospective me paraissent être les axes de développement de la stratégie UX. Le design de service suivra son cours caché derrière d’autres objectifs.
Business as usual
Et si nous continuions à travailler comme d’habitude ? Oui, pourquoi diable se poser toutes ces questions sur l’avenir de l’UX, l’éthique ou la gouvernance ? Ça marche si bien, les processus à l’ancienne avec un beau partage des tâches entre recherche utilisateur, UX, graphisme et développement, le tout saupoudré d’un peu de marketing et de SEO.
Effectivement, il y a un écosystème qui est bien en place, notamment dans certaines (grosses) agences avec toujours la même méthodologie, les mêmes processus sur tous les projets et une espèce de passe-plat entre les divers postes de la chaîne de production. Carine me parlait de la recherche faite par une de ses étudiantes qui portait sur le choix des méthodologies. Un des premiers enseignements était que les personnes interrogées utilisaient toujours les mêmes méthodes UX, ce qui est assez consternant, mais pas étonnant.
Je vois sur le marché actuel une grosse part d’agences ou de SSII qui placent des UX designer en régie chez leurs clients sans nécessairement se soucier de la qualité des productions. De même l’utilisation à outrance de framework qu’ils soient graphiques ou techniques conduit à des difficultés pour mettre en place une démarche correcte en UX, comme l’évoquait récemment Stéphanie. Ça conduit aussi à un appauvrissement des solutions proposées, ainsi que des aspects graphiques tendant à une piètre uniformisation du web. Amélie Boucher en parlait déjà en 2016 dans une conférence à ParisWeb.
Sur les aspects technocentrés, il est facile de faire le constat qu’aujourd’hui pour afficher une simple page web, un formulaire par exemple, il faut déployer toute une série de modules, de containers et de technologies afin de faire un truc avec le dernier kamoulox.js à la mode. On consomme donc énormément de ressources pour des choses qui sont souvent insignifiantes.
When designing a user interface, imagine some old woman using it, say Margaret Hamilton, and she’s clicking your app’s buttons and saying to you, as old people do,
“Young whippersnapper, when I was your age, I sent 24 people to the ACTUAL MOON with my software in 4K of RAM and here I am clicking your button and it takes ten seconds to load a 50 megabyte video ad and then it crashes. I’m not even ANGRY with you, I’m just disappointed.”
Je n’ai pas retrouvé la source de la citation pour savoir si elle est vraie ou imaginée, mais j’aime bien l’idée qui s’en dégage.
Il y a une UX qui reste très centrée sur les aspects lucratifs. C’est particulièrement le cas quand on regarde le domaine de l’e-commerce avec la prise en compte permanente d’indicateurs clefs comme les taux de conversion, les paniers moyens, voire dans le meilleur des cas, la satisfaction client, oubliant un peu au passage l’expérience globale qui peut faire aujourd’hui la différence. Certains vont alors parler de « Customer experience » avec de jolis diagrammes pour dire que ça englobe l’expérience utilisateur et que c’est la dernière révolution qu’il faut à tout prix « devancer ».
Globalement ce type de fonctionnement « Business as usual » sera encore profitable aux agences d’une certaine taille, qui pourront jouer sur l’effet de taille pour continuer à être des agences de production. Corinne me disait que les petites agences d’UX comme la sienne auraient du mal à survivre sur ce marché, car la production sera faiblement valorisée. C’est typiquement là une phase de vache à lait sur le marché qui a commencé il y a 2 ou 3 ans : les gros rachètent les petits (Nealite par PWC, Fjord par Accenture, Axance par Devoteam,…), les prix se tendent, les marges se réduisent, la qualité baisse, la concurrence est exacerbée.
Les promesses technologiques
Depuis que je travaille, depuis le dernier millénaire, la technologie a progressé et a entraîné une multiplication des supports. Là où je devais concevoir pour des ordinateurs de bureau et le web, aujourd’hui il faut prévoir le web responsive, l’app, les objets connectés, l’interface vocale, la TV… et sans doute d’autres trucs vont arriver. La complexité de conception a fortement progressé aussi, mais paradoxalement, si le travail de design est bien fait, l’usage est resté relativement simple, s’adaptant mieux au contexte d’usage.
Le mythe de l’absence d’IHM est encore loin d’être atteint. La technologie nous fait miroiter des avancées majeures avec de l’intelligence artificielle. Ces technologies ne sont pas nouvelles, c’est de bons vieux réseaux de neurones, des matrices de corrélations qui datent des années 60. Les algorithmes se sont bonifiés. Certes la puissance de calcul disponible ainsi que les bases de données qui les alimentent sont gargantuesques, mais au final, chaque IA est hyper spécialisée : reconnaissance vocale, détection d’artéfacts visuels, assistance au diagnostic… L’IA est bien souvent incapable de s’adapter à une nouvelle tâche, encore moins d’être créative. Par contre, ça peut faire d’excellents assistants qui vont être capables de donner des réponses nuancées. La médecine est un bon exemple. Il existe environ 80 000 pathologies recensées de nos jours. Un médecin est incapable de toutes les connaître, mais il est parfaitement capable de décrire les symptômes et une IA de lui répondre en termes de probabilités et de faire remonter les maladies rares qu’il n’a jamais rencontrées auparavant et donner des pistes pour infirmer ou confirmer le diagnostic.
La data, la data par-ci, la data par-là, open pour certaine, obèse pour d’autre. Les datas sont omniprésentes, souvent utilisées à mauvais escient, souvent simplement inutilisées. Par exemple, les objets connectés sont extrêmement bavards et ils sont au cœur de votre foyer connaissant toutes vos habitudes. Paradoxalement, les études en psychologie et en ergonomie se basent sur des analyses statistiques. Les datas devraient permettre une meilleure connaissance des usages et la conception d’une expérience plus affinée. La législation changeant, j’espère qu’à l’avenir les datas collectées seront celles réellement nécessaires à l’amélioration des services dans le respect des lois et de règles éthiques. De meilleures datas pour de meilleurs usages.
Et il ne faut pas oublier le tombeau des technos, la télé en 3D, les Google glasses, la réalité virtuelle, les frigos connectés, la réalité augmentée, la réalité virtuelle (oui, elle sort de son tombeau régulièrement), les cryptos monnaies et autres blockchains (oui, on s’aperçoit que c’est une gabegie),… La liste est longue. À chaque fois le scénario est le même, ça va être la nouvelle interface révolutionnaire que tout le monde va adopter. Tout le monde fait des conférences dessus, en parle bien fort. On en voit en bêta, mais vraiment bêta bêta. Puis patatras, ça n’est pas utilisé, ça ne marche pas… et ça passe aux oubliettes.
J’attends la prochaine technologie de pied ferme ! Beaucoup restent au stade du laboratoire, mais certaines arrivent à maturité et sont pertinentes pour certains domaines précis. La réalité virtuelle est, par exemple, utilisée pour l’apprentissage en situation dangereuse depuis de nombreuses années dans les simulateurs de vol ou la maintenance de centrale nucléaire. Au-delà de ça, notre rapport à la technologie évolue, ainsi que nos relations aux objets et nos interactions avec ceux-ci. Il n’y pas longtemps, j’ai croisé une personne qui se parlait toute seule dans la rue. Ce n’est qu’en entendant ses propos incohérents que j’ai compris qu’elle n’était pas au téléphone. Il y a vingt ans, ce n’était pas normal de parler seul dans la rue.
Persuasive Design
Comment modifier le comportement des utilisateurs ? Comment les manipuler avec leurs libres consentements ? Oui, c’est bien ça l’idée, même si elle peut paraître paradoxale au premier abord. Les théories de l’engagement sont étudiées depuis plus de 50 ans et aujourd’hui, il est possible de construire des stratégies pour modifier les comportements. En marketing, le courant s’appuyant sur ces théories s’appelle du « nudge marketing ». « Nudge » pour « coup de pouce ». Le principe est simple, vous engager en vous incitant, sans vous obliger, à faire une suite de petites actions de plus en plus coûteuses et visibles. Un livre comme Hooked de Nir Eyal explique aussi comment on peut renforcer certains comportements et amener l’utilisateur à développer des comportements d’addictions.
En bout de chaîne, les comportements peuvent être vertueux si c’est pour l’éducation, l’écologie par exemple ou néfaste quand ça conduit vers de l’addiction, de l’infantilisation ou de l’enfermement. Tout n’est pas noir et blanc, il y a bien sûr 50 nuances de gris entre les deux extrémités : si Nike vous incite à faire du sport, c’est bon pour votre santé, mais c’est aussi bon pour Nike. Une fois vos chaussures de courses usées, il vous faudra en racheter. Un exemple récent est aussi le succès du jeu Fortnite, dont le game design a été influencé par le travail de Celia Hodent, ex-Director of user experience chez Epic et autrice de The Gamer’s Brain: How Neuroscience and UX can Impact Video Game Design. Au-delà du succès commercial, il est intéressant de se poser des questions sur la protection des mineurs, l’addiction provoquée par ce jeu et la combinaison des deux.
En corollaire à cela, le sujet du design émotionnel est aussi à la mode depuis un moment. Il faut mettre des émotions ici et là, pour susciter des réactions chez les utilisateurs. De l’émotion, des stories, des “j’aime”, des récompenses éphémères tel un bon chien répondant au sifflet de son maître au cas où ça serait un bon os comme l’explique Cynthia Savard Saucier. Mais les émotions n’ont pas lieu d’être partout. Dans le milieu professionnel par exemple, vous n’allez pas susciter des émotions à chaque fois qu’une infirmière a saisi une information sur un patient et qu’un contrôleur aérien a orienté un avion.
Les demandes sont de plus en plus fréquentes sur ce type de sujet. C’est de plus en plus visible dans des domaines comme le jeu ou les réseaux sociaux. Ça entraîne bien sûr directement des questions éthiques.
Designer reconnu
C’était un peu une boutade quand j’ai mis ce chapitre avec le designer barbu, tatoué, aux cheveux colorés. Après échanges et réflexions, il est intéressant de voir que trois axes se dégagent : la visibilité, la compétence et la charge de travail.
La visibilité : certains et certaines designers sont bien visibles. Dans le monde anglo-saxon, il y a souvent une réelle stratégie derrière pour pousser la visibilité d’une personne, avec l’écriture d’un livre puis un certain nombre de conférences pour promouvoir cette personne et son livre. À l’inverse au cours des discussions que j’ai eues, plusieurs fois on m’a dit « Hé, mais tu ne connais pas « nom prénom » il est super pertinent sur tel sujet, c’est un super bon UX » et bien non je ne le connais pas, mais j’aimerai bien qu’il ou qu’elle vienne nous raconter ce qu’il fait et comment. Et comme trop souvent, les hommes sont surreprésentés par rapport à une population de designers qui est en majorité féminine. Les nombreuses difficultés que rencontrent les femmes dans le secteur de l’informatique (discrimination à l’embauche, plafond de verre, charge mentale professionnelle et familiale,… ) en sont les causes !
La compétence : oui, ce n’est pas parce que vous faites le tour des conférences comme orateur ou que vous avez écrit un bouquin que vous êtes un expert. Un expert se distingue par ses métaconnaissances, sa capacité à résoudre des problèmes nouveaux et à créer de nouvelles connaissances. Donc on trouve des personnes très expertes, mais parfaitement invisibles et d’autres à l’inverse très visibles, mais pas du tout expertes. Ce qui me dérange c’est effectivement le manque de reconnaissance pour ces experts et de ce qu’ils pourraient apporter à la communauté.
La charge de travail : je lisais un article d’un designer qui expliquait qu’il se considérait comme un designer médiocre. C’est-à-dire qu’il fait suffisamment bien son travail pour que ses clients soient satisfaits, tout en préservant sa vie familiale. Il donne une échelle de compétences : mauvais, médiocre, génial et maître. Si le niveau maître est quasi utopique, le niveau juste génial demande d’être obsédé et de produire une quantité de travail astronomique qui se fait souvent au détriment de la vie personnelle. Si c’est le choix de certains ou de certaines, ça ne peut pas être le choix de la majorité.
L’UX design dans son ensemble gagnerait à ce que des designers compétents, experts donnent plus de visibilité à leurs travaux afin que la communauté gagne en connaissances.
Oui, c’est de toi qu’il s’agit ! Toi qui es arrivé à lire cet article-fleuve jusque là !
Connaissances
La connaissance, parlons-en ! Un sujet qui est apparu lors des entretiens c’est les difficultés pour recruter des UX designers, des vrais. C’est-à-dire avec un minimum de connaissances dans les divers de domaines de l’UX et pas seulement des graphistes ou des coach-chef-de-produit qui se disent UX mais qui n’ont jamais vu un utilisateur de près ou de loin.
Il y a derrière ça un vrai souci de formation des UX designers. J’évoquais déjà le problème en 2016, mais il est toujours bien présent. Il n’existe pas de formations universitaires spécialisées dans le domaine et celles s’en approchant sont rares, voire ont carrément disparues, comme le master d’architecture de l’information à Lyon, faute de professeurs. Les écoles privées se sont engouffrées dans la brèche, avec divers niveaux en termes d’enseignement en fonction des moyens mis en œuvre et de la qualité des enseignants.
J’observe aussi que de « nouveaux concepts » sont en fait des pratiques anciennes plus ou moins courantes remises au goût du jour avec un joli packaging. Mais derrière ça, il y a une absence de réflexion sur les méthodes de design. Il n’y a pas ou peu de design du design. Dans bien des agences ou des entreprises, les méthodes utilisées sont toujours les mêmes sans remise en question ni adaptation. Pareil, pour les designs sprint où la méthode est appliquée systématiquement de la même manière quelque soit le sujet comme une formule magique.
Mais pour être capable de réfléchir sur ses méthodes, il faut avoir des connaissances sur les modes de construction de ces méthodes. Par exemple, un questionnaire comme l’Attrakdiff a été testé et validé afin de s’assurer qu’il mesure bien ce qu’il est censé mesurer et que si vous faites passer deux fois le questionnaire dans des conditions similaires, vous allez trouver des résultats similaires. Mais pour connaître la procédure de création d’un questionnaire, il faut avoir fait de la psychologie différentielle et des statistiques. De même pour des sujets proches, sans connaissances sur les principes fondamentaux de la conception des IHM, il est difficile de sortir des schémas classiques ou d’en créer de nouveaux adaptés aux nouveaux usages.
Discutons !
Au-delà des points abordés, il y a certaines idées ou confrontations qui sont apparues au cours des entretiens.
Le tout techno n’est pas viable ni enviable
Si j’écoute les prophètes des technologies, demain le monde sera entièrement connecté. Les solutions aux problèmes d’environnement seront des solutions technologiques. La pensée magique a encore de beaux jours devant elle :
“Cliquez ici pour résoudre tous les problèmes”
Les limites de ces prophéties sont déjà connues. Par exemple, il ne serait pas possible de produire assez d’énergie pour alimenter tous les objets connectés, sans parler du stockage des datas générées par ces objets. On le voit déjà avec les cryptomonnaies et autres blockchains qui engouffrent une quantité affolante d’énergie pour de la monnaie de singe.
Il existe une opposition entre une complexification des technologies et un désir de contrôler et comprendre les outils à notre disposition avec le besoin de se réapproprier certaines connaissances de base. Le rôle de l’UX designer a longtemps été de masquer cette complexité, de rendre les choses faciles, évidentes. Mais est-ce qu’à un moment il ne faudrait pas exposer cette complexité technique ainsi que les ressources que ça consomme ? Faire en sorte que publier la vidéo de son chat en train manger ses croquettes soit suffisamment coûteux en temps, en énergie ou en attention pour se demander si ça vaut bien le coup de le faire ? Ou alors réduire la complexité pour trouver des compromis, comme ce pommeau de douche dont la lumière change en fonction de la consommation d’eau, mais qui fonctionne uniquement avec l’électricité produite par la pression de l’eau ? Cela rejoint des thématiques de design frugal ou permaculture où l’on va concevoir de manière durable, souvent avec plusieurs fonctions pour un même objet, une même plante dans un écosystème.
Rapporté au web, ça veut dire qu’il faut évoluer « du Web que l’on veut » vers « le web qu’on peut se permettre » Le design a bien sûr un rôle à jouer dans cette réflexion. Je l’observe déjà dans des thématiques comme la « Privacy by Design » ou bien sûr dans « l’Ethics by design ».
« La fin des apps »
« La fin des apps », oui, l’application en tant que la représentation unique d’une entreprise, d’un service. Plusieurs remarques m’ont amené vers cette réflexion. Comme je l’ai évoqué précédemment sur le design de service, même si vous concevez un robot ménager, c’est en fait un service qu’il faut concevoir. Léa a complété cette remarque en évoquant le cas du e-commerce. Il y a quelques années, pour monter un e-commerce, il suffisait souvent d’une bonne idée et d’un fournisseur, que ce soit pour vendre des chaussettes de toutes les couleurs ou des t-shirts à la Fraise. Faire un site en ligne n’était pas forcément très compliqué, les plateformes type Prestashop se développaient gentiment. Un bon coup de communication sur les réseaux sociaux naissants, sur un blog et hop !
Aujourd’hui pour faire du e-commerce, vous avez en réalité besoin d’une plateforme de gestion des stocks et des relations clients. La distribution se fait via divers canaux numériques ou physiques, du magasin à la marketplace en passant par les réseaux sociaux et le bon vieux site web qui est devenu un élément parmi d’autres.
Donc le modèle est passé de quelque chose de très centralisé, à un modèle de plateforme. Le plus important n’est pas forcément le site, mais l’API, la plateforme qui va permettre de communiquer avec d’autres services. Avec le bémol qu’il faut éviter de construire sa plateforme sur le dos d’un seul éléphant et donc il est d’autant plus intéressant de s’interfacer facilement avec divers éléphants. Ce qui veut aussi dire à l’autre bout qu’il faut faire en sorte que les utilisateurs y retrouvent leurs petits et arrivent à reconstruire leurs expériences utilisateurs.
Artisanal versus industriel
L’UX design en se centrant sur les besoins des utilisateurs et l’observation de ceux-ci, est resté très artisanal dans sa manière de concevoir les choses. Les designers font « à façon » pour tel ou tel client et ses utilisateurs finaux. Ça reste encore vrai pour les logiciels professionnels qui répondent souvent à des besoins bien spécifiques des entreprises. D’un autre côté, la mise en place du Design ops et des processus de production dans les entreprises conduit à une industrialisation du design. On est probablement là à un tournant dans les métiers de l’UX Design, car l’industrialisation va de pair avec une certaine spécialisation. Sauf que la spécialisation atteint rapidement certaines limites quand on parle tous les jours de co-conception. Pour un designer, il n’est guère possible de travailler sur un seul domaine, car il doit collaborer avec les autres métiers des projets.
Cela rejoint la question des compétences et des profils qui devraient être recrutés dans une équipe. Il faut sans doute une partie des designers avec des profils de compétences en T et des experts dans certains domaines. Les deux profils pouvant venir s’enrichir et s’entraider. Ça modifie aussi le rôle des leads designer, qui au-delà du management classique d’une équipe, doivent organiser un système de production nouveau. Le rôle de lead UX évolue de plus en plus vers un rôle de facilitateur. Ce n’est plus forcément lui qui détient le savoir, la vision, mais ça peut être le collectif. Carine évoquait les moments de partage qu’elle a mis en place dans son équipe luxembourgeoise. Cela permet à chacun de poser des questions, de soumettre des problématiques et surtout d’entendre les réponses faites aux autres problèmes qui peuvent venir enrichir ses propres réflexions.
Donc oui, l’UX va vers une certaine industrialisation. Il va falloir mettre en place ces processus au sein des entreprises, apporter une certaine « logistique » de l’UX qui va faciliter, mettre l’huile dans les rouages de la production. Mais il restera toujours une part artisanale pour certains services précis, sans doute plus complexes ou très spécifiques, un peu comme le secteur du luxe appliqué à l’expérience utilisateur.
Arrêter de répondre avec des méthodes et des outils, mais faire vivre le design.
Le premier constat que je fais en lisant les articles UX et les discussions dans divers lieux, c’est que très souvent ça tourne autour des outils, des méthodes de bases. C’est consternant de simplicité… Un article a d’ailleurs été publié sur le sujet. Il recensait les diverses publications en UX et les classait :
- 37% de templates, kits et tutoriel,
- 37% de liens, de news,
- 21% d’étude de cas, de méthodes
- 3 % sur l’éthique, la responsabilité ou l’industrie
Les articles faisaient dans leur grande majorité une longueur ne dépassant pas les 5 minutes de lecture (entre 500 et 1000 mots, soit dix fois moins que cet article). Dans une logique proche, il y a beaucoup d’agences qui répondent simplement aux appels d’offres avec des méthodes, souvent les mêmes, pour placer les outils qu’ils connaissent et qui pour une part sont attendus par le potentiel client. On reste dans une relation demande-réponse basique. Hop ! des personas, hop ! Des tests utilisateurs, on ne sait pas trop pourquoi et ce qu’on va faire des résultats. Depuis quelques temps, je croise aussi des « framework UX » comme HEART de Google. Le terme est un peu bizarre, mais en gros c’est des espèces de check-lists de critères heuristiques qui portent sur certains sujets. J’ai vu des frameworks UX et e-commerce, UX et éthiques… Ce qui me dérange là c’est ce côté prêt-à-penser.
Là j’hésite entre consternation et dépression.
Bertrand et Damien évoquaient les démarches qu’ils essaient de mettre en place. Au delà des méthodes et des outils, c’est de faire vivre le design, faire comprendre à son client pourquoi on ne sait pas forcément en début de projet quelles méthodes vont être pertinentes. On en maîtrise suffisamment pour lui proposer la meilleure en fonction du problème à résoudre et des moyens. Faire en sorte que l’équipe client s’implique dans le projet et en retire aussi des connaissances. Comme ça, elle monte en compétences sur l’expérience utilisateur et la prochaine fois il sera possible d’aller plus loin avec ce client.
C’est un problème un peu similaire que rencontrent les projets de développement réellement agiles. Le client demande de chiffrer en amont un processus itératif qui va évoluer en fonction de l’itération précédente. Pour l’expérience utilisateur, c’est la même configuration : tant que la phase de recherche utilisateur et la phase de définition du projet ne sont pas réalisées, il est difficile de prévoir la suite. La différence entre le développement et l’expérience utilisateur c’est que dans un cas, à chaque sprint, les développeurs travaillent sur de nouvelles fonctionnalités, là où l’UX designer va affiner la conception par exemple en élargissant le périmètre des retours utilisateurs.
Pour moi, l’avenir de l’UX n’est pas dans le prêt-à-penser, mais dans le partage de l’expérience de conception avec les équipes. De plus en plus, mes prestations entremêlent recherche, conception et formation ou plus modestement sensibilisation.
Comment faire du design de l’UX design ?
L’expérience utilisateur gagne du terrain en entreprise. Il est aussi temps qu’elle gagne en maturité, qu’elle arrive à s’adapter, à évoluer plus rapidement.
En parlant avec Carine, dont c’est un des chevaux de bataille, je me rends compte que la profession est encore et encore confrontée à cette difficulté de faire passer des savoirs scientifiques vers les professionnels. Je dois pouvoir compter sur mes doigts le nombre de personnes qui font une vraie veille sur la recherche en UX et qui la diffusent auprès des étudiants ou dans leur entreprise.
Les conférences comme Interaction 18 ou les UXdays restent à un niveau très généraliste. Personnellement, j’y apprends peu de choses nouvelles, même si c’est souvent là que j’y rencontre d’autres professionnels. Ce n’est pas là que nous avons le temps d’échanger sur nos pratiques et sur le besoin de les faire évoluer.
Alors que faut-il imaginer à l’avenir ?
- Du mentorat entre UX designer ? Sur du long terme, il faut trouver les mentors disponibles et ayant une vraie envie d’accompagner les padawans et des padawans qui souhaitent s’adresser à des mentors.
- Pair à pair, en échangeant entre professionnels, entre étudiants et en se nourrissant chacun des savoirs des autres.
- Transmettre des connaissances scientifiques vers de l’opérationnel ? Mais comment le faire à grande échelle ?
Dans un rêve, j’aurais envie de créer des communs autour de l’expérience utilisateur.
- Un lieu de partage comme une école, sans l’aspect scolaire.
- Des échanges entre scientifiques, professionnels et apprenants pour se répondre, se questionner, monter en compétences.
- Partager des savoir-faire, des savoir-être pour répondre aux besoins d’évolutions de la société et prévenir les aléas à venir.
Un lieu à concevoir un ensemble…
Notes
1 – Les biens communs, ou tout simplement communs, sont des ressources, gérées collectivement par une communauté, celle-ci établit des règles et une gouvernance dans le but de préserver et pérenniser cette ressource. source : http://lescommuns.org ↩
2 – La collapsologie est l’étude de l’effondrement de la civilisation industrielle et de ce qui pourrait lui succéder. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Collapsologie↩
3 – L’Anthropocène est un terme de chronologie géologique proposé pour caractériser l’époque de l’histoire de la Terre qui a débuté lorsque les activités humaines ont eu un impact global significatif sur l’écosystème terrestre. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Anthropocène↩
4 – L’holacratie (holacracy en anglais) est un système d’organisation de la gouvernance, fondé sur la mise en œuvre formalisée de l’intelligence collective. Opérationnellement, elle permet de disséminer les mécanismes de prise de décision au travers d’une organisation fractale d’équipes auto-organisées. Elle se distingue donc nettement des modèles pyramidaux top-down.↩
Merci merci merci pour cet article sur l’avenir de l’UX.
J’y ai retrouvé beaucoup de questions et commentaires avec lesquels j’étais mal à l’aise à l’idée de partager, mais cet article me fait me dire que je ne suis pas si folle que ça et que j’ai constaté pas mal de points cités dans cet article.
L’élément en 2018 qui m’a fait le plus réagir quant à l’évolution du métier, c’est une offre d’emploi sur uxjobs pour être product designer pour l’association de soutien du parti politique « enmarche ». On pouvait y lire :
– Mettre en place et articuler une vision et une stratégie produit
– Développer une connaissance profonde de nos utilisateurs et de nos problématiques
– Être le/a défenseur(e) et la voix de l’utilisateur
Par rapport à ton article, pour moi, cela fait écho au sujet éthique, et aux collectivités locales qui demandent de plus en plus à être accompagnée pour de design de service.
Sinon je note que :
– Les méthodes à la mode ont un temps de vie limité (design sprint), qu’elles ne se suffisent pas à elles seules (les utilisateurs ne sont pas beaucoup sollicités)
– La course aux wireframes est encore bien ancrée, et que le slow UX fait peur aux managers, aux « grands comptes », SSII ….
– Qu’intégrer un UX dans une équipe reste laborieuse malgré la bonne volonté d’appliquer les méthodes Agiles, etc
– …
– Beaucoup d’autres aspects sont abordés dans ton article, ils méritent d’être lus en entier et pas juste être résumés
Pour ma part je me suis toujours raconté que j’étais une « UX » type artisanal :
– A chaque fois que je prends un brief, je demande toujours à rencontrer l’équipe avec qui je vais travailler car je vois bien les différences entre la vision du commanditaire (manager ou autre chef N ++) et la vision de l’équipe qui va vraiment réaliser le projet
– Chaque projet a un contexte différent, donc les méthodes sont à personnaliser à chaque fois
o Deux projets de site e-commerce ne vont pas forcément être gérés de la même manière (compétences humaines différentes, technos, données utilisateurs ….)
Je suis loin d’avoir ton expérience, mais je cherche à évoluer dans mon travail également. Je suis fatiguée des « package UX » qui sont vendus par les commerciaux.
Je me suis formée à Holacracy et à d’autres formes de gouvernance partagée car la plus grande « friction » que j’ai pu noter c’est au sein même de l’équipe projet :
– Même au travers de diverses méthodes, les membres d’une équipe ne partagent pas (voire même ne connaissent pas) la raison d’être du projet
– Les membres de l’équipe ne se sentent pas forcément en sécurité et n’osent pas dire non ou partager leurs émotions, désaccord, idées, etc, car ils ne se sentent pas légitimes
– Alors que l’on parle beaucoup d’itérations, de test & learn rapides pour plus vite avancer, corriger, etc …. Bizarrement une équipe n’a jamais droit à l’erreur … de lever le pied de l’accélérateur, faire un pas de côté. En effet, la deadline reste maitre à bord, et tel une épée de Damocles, les managers brandissent la carte de la deadline pour ne pas eux-mêmes être jugés par leur N++ … c’est le serpent qui se mord la queue
– Dans un groupe de projet, ou dans une entreprise : Il est très difficile de savoir qui fait quoi, qui a vraiment autorité pour valider un élément …. (un des principaux constats fait en Holacracy), tout le monde se refile la patate chaude
Au travers des approches de gouvernance partagée ou d’Holacracy, il peut y avoir des solutions à ces points-là. Reste à pouvoir l’appliquer en projet (pour l’instant je n’y suis pas arrivée bizarrement 😉
Merci et bravo pour cet article au genre bien écrit et fouillé, que je croyais en voie d’extinction. Je n’ai rien à ajouter, si ce n’est deux très bonnes lectures du moment à partager, certes éloignées du métier d’UX stricto sensu, mais qui apportent de quoi nourrir tout ce que tu évoques avec justesse :
– L’économie symbiotique, Isabelle Delannoy (elle aborde notamment le rôle des « Communs », d’un web plus « vert »)
– Reinventing organization, Frédéric Laloux (nouvelles façons de manager et d’organiser les sociétés)
Si toutefois, il y avait ici des conseils de lectures concernant l’holacratie, je serais preneuse !
Belle route à toi,
Merci beaucoup Raphaël pour ton article que je trouve très intéressant et merci pour la mention. Je garde encore en tête nos rencontres au Blend Web Mix ainsi qu’à IXD18.
Je vais parler de ce que je connais bien c’est à dire le Design Sprint, car c’est la voie que j’ai choisie il y a maintenant 3 ans.
Mon postulat de départ en 2015 c’est que l’UX était arrivé à une certaine maturité mais qu’elle ne parlait qu’à de spécialistes. Difficile de convaincre des utilisateurs, managers ou C-level de contribuer à cet effort commun. Difficile de « vendre » des démarches UX au long cours, dans un contexte d’entreprises orientées sur des délivrables court terme.
Lorsque j’ai découvert et appliqué le Design Sprint, j’ai réalisé que sa plus grande force c’était la pédagogie: pouvoir intégrer n’importe quelle partie prenante à l’effort de conception, rendre enfin compréhensible et tangible ce que je m’évertuais à faire comprendre à mes clients depuis des années. rendre l’UX fun, rassembleur et pragmatique.
Actuellement, j’en conviens qu’il y a une certaine « hype » autour de cette méthodo, mais la raison première c’est qu’elle est diablement efficace. C’est en quelque sorte reprocher à Lady Gaga d’être trop commerciale: elle sait juste écrire de bonnes chansons et parler à des millions d’oreilles 😉
A titre personnel (je suis très peu objectif), je crois profondément qu’il ne s’agit pas d’un simple effet de mode, mais d’une nouvelle manière de travailler qui saura se pérenniser dans le temps.
A quelques conditions que tu soulignes très bien:
Ne pas vendre n’importe quoi:
Google Ventures a conceptualisé le Design Sprint en 5 jours, pour de très bonnes raisons, et je constate une récente tendance (surtout en France ^ ^) à vendre des Design Sprints de 2 ou 3 jours, qui n’en sont pas vraiment. Pas de user journey mapping, tests bâclés, prototypes en papier craft et j’en passe… Il est primordial de suivre la recette et de confier la conduite de workshops à des facilitateurs / designers expérimentés.
Ne pas cramer l’équipe:
Je te suis complètement sur le fait de ne pas transformer le Sprint en marathon.
Me concernant, je ne mène jamais plus de deux Sprints complets par mois, ce qui est déjà très intense. Dans un monde idéal j’aimerais en faire un par mois.
Dans ce sens, le Design Sprint ne doit pas être associé à Scrum où les sprints de Dev s’enchaînent.
Les horaires se veulent soutenables lors d’un Sprint.
on fait du 9h00 – 16:30 la plupart des jours et on pousse jusqu’à 18:00 lors de la journée de prototypage. L’essentiel est la bonne santé mentale et physique de l’équipe et c’est vraiment important lorsque l’on mène des Sprints sur du long terme.
Faire un sprint au bon moment
Le dernier point c’est de faire des Design Sprints lorsqu’ils sont le plus utile (en début de projet, comme kickstart comme tu le dis) et sur des thématiques qui en valent le coup ou des gros problèmes qui paralysent une entreprise.
Le tout c’est d’éviter « l’Innovation Theatre » où l’on colle des post-its sans rien résoudre de concret juste pour se donner l’impression d’innover.
Je dirais que si ces 3 conditions sont remplies, je crois sincèrement à l’impact long-terme du Design Sprint sur la manière dont les entreprises intègrent l’UX.
Bonjour,
Et merci pour cet article très intéressant.
Je pense qu’une bonne part des problèmes soulevés dans ton article ont 2 origines :
– D’abord la différence sémantique autour du mot design, que nous, designer UX, comprenons au sens anglo-saxon du terme, et qu’on pourrait alors traduire par « conception », puisque c’est bien de ça qu’il s’agit, de la conception de produits. Le Français moyen considère le design comme une discipline qui vise à faire des jolies choses, point final. Et de là, naît tout un tas d’incompréhension entre les designers et les non designers.
– Ensuite qu’une bonne part (la majorité ?) des designer UX viennent du monde du graphisme et pas du tout du monde du produit, et je ne parle même pas de connaissances techniques liées au dev. Alors c’est certain qu’un designer venant de la technique, c’est mon cas, concevra peut-être des choses moins innovantes, mais probablement plus réalisables, qu’une personne qui ne connaît rien à la technique.
Je rebondis sur les aspects techniques et les framework UI. Pour ma part, la UI, c’est pas mon métier. Même si j’en fais (PME) et que j’aime bien ça. Mais mon boulot c’est le fonctionnel. Le framework UI est là pour me faire gagner du temps, il se charge de tout ce qui ne concerne pas le fonctionnel, mais le côté « joli », microinteractions, etc.
Je suis très partagé sur le design éthique. J’ai comme l’impression que c’est une couche de peinture pour ne pas regarder ce qui est dessous : le business de la boîte pour laquelle on bosse. Mais c’est très compliqué. On peut imaginer faire du design chez MBDA, fabricant français de missiles bien connu. Et où me-on alors le curseur éthique ? En se disant que plus j’aide l’utilisateur à prendre la bonne décision et mieux c’est ? Pourquoi pas. D’où mes interrogations et doutes autour du design éhique.
Sinon, je trouve dommage que ton article soit très orienté « agence », c’est exactement le même reproche que j’ai fais aux Gobelins quand j’y ai suivi ma certif UX. On peut faire de l’UX, sur des projets variés chez des éditeurs hein 😉
My2 cents.
Merci pour cet article Rapahël. Pour le maintenir à jour, voici ma contribution :
– la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’Etat (DINSIC) a récemment lancé une plateforme (400+ UX inscrits) et un programme : Designers d’Intérêt Général
– je complète la liste des entreprises du numérique qui ont opté pour l’halocratie avec l’agence Usabilis
– je confirme que les Design Sprints et autres hypersprints sont à la mode, mais ils se heurtent à la disponibilité des équipes, on est d’accord 🙂
– sur le thème des méthode de conduite de projet UX, j’observe un flou grandissant entre le marketing du produit digital, représenté par le PO et le périmètre de l’UX, dans les phases de planning, de recherche et de conception. La collaboration n’est pas toujours (ap)aisée
– sur le DesignOps je suis en phase avec toi : la production « seamless » entre équipes est un enjeu majeur de nos métiers, où les technologies orientées objet promettent l’ubiquité et le pervasif
Merci aussi pour ton partage de liens !
Merci énormément pour cet article dans ce monde où j’ai parfois l’impression de progresser à la lueur d’une bougie dans le monde UX.
Etant encore plutôt jeune dans le métier, je me pose énormément de questions, j’ai l’impression que tout évolue vite sur l’UX mais sans prendre de recul que ce soit du côté des demandeurs comme des personnes sensibilisées : « Et là, tu me ferais pas un peu d’UX ? »
J’aime beaucoup les principes de SLOW UX opposé au Fast & Furious. La version fast c’est ce que beaucoup d’entreprises demandent pour trouver une pseudo solution rapide, qui va satisfaire sur l’instant. Et faire de l’UX fast, ça peut s’improviser mais pas avec de la qualité. Clairement, ce n’est pas une solution à terme.
Naturellement, l’éthique prend clairement le pas aujourd’hui et je n’ai moi-même pas eu le temps de me mettre à jour sur le sujet mais j’espère le design nous permettra de trouver les bonnes réponses et de replacer les citoyens au coeur du débat.
Bref merci encore pour ces réponses, ces illuminations !