Une petite note sur deux livres que j’ai lu en parallèle et qui a priori n’ont rien à voir. Le premier concerne la psychologie sociale et les théories de l’engagement. Le deuxième concerne l’équitation et plus précisément l’approche du dressage. Les deux livres :
- La soumission librement consentie : Comment amener les gens à faire librement ce qu’ils doivent faire ? Robert-Vincent Joule, Jean-Léon Beauvois, PUF.
- Dérives du dressage moderne : Recherche d’une alternative. Philippe Karl, Belin.
La soumission librement consentie ?
Après guerre, plusieurs chercheurs en psychologie ont essayé d’expliquer comment le nazisme avait pu monter en puissance et comment de nombreuses personnes pouvaient être amenées à servir une idéologie qu’ils ne partageaient pas. Ces recherches ont abouti, dans les années 1970, à la théorie de l’engagement.
Pour résumer, cette théorie : demandez peu au début, puis augmentez les demandes, sans contraindre, ni récompenser. La personne ayant dit « oui » au début, ne va pas se remettre en cause et continuera à dire « oui ». L’absence de renforcement positif ou négatif fait que la personne trouve elle-même ses propres raisons d’agir, augmentant ainsi son propre engagement.
Dans « La soumission librement consentie », les auteurs expliquent en détail ces mécanismes et les illustrent avec plusieurs missions qu’ils ont réalisées. Ces missions portaient sur la sensibilisation de certains publics à la prévention du SIDA, les économies d’énergies ou la recherche d’un emploi.
Concernant l’équitation,
Le dressage est l’art d’éduquer les chevaux afin qu’ils réalisent certaines figures des plus simples, au plus complexes. C’est la base de toute l’équitation. Deux écoles s’opposent actuellement en dressage.
- La première est issue de l’Europe du nord. Elle propose une équitation nécessitant des chevaux aux qualités exceptionnelles basés sur la force et la contrainte. L’utilisation d’artifices élaborés (enrênements, mors, etc.) est alors nécessaire pour qu’un petit humain de 50 à 70 kg puisse imposer, provisoirement, sa volonté à un animal de 500 à 700 kg. Cette école domine malheureusement les compétitions de dressage. Les conséquences sur les chevaux sont souvent dramatiques avec des carrières très courtes et de nombreuses blessures.
- La deuxième école est issue du sud de l’Europe et des traditions équestres présentes en France, en Espagne et au Portugal notamment. Elle est issue d’une équitation de travail ou martial. Elle se base sur une relation de confiance et de décontraction. On ne peut pas, à la fois, maintenir son cheval dans la contrainte et conduire le bétail ou la guerre !
Dans son ouvrage, Philippe Karl explique le fonctionnement du cheval et comment en s’appuyant sur celui-ci, obtenir ce que l’on souhaite, sans avoir à contraindre.
Mis en parallèle, ces deux ouvrages disent la même chose :
- Pour obtenir un résultat durable, il faut une participation active des « sujets ».
- La contrainte ne sert à rien et a, à long terme, des effets néfastes. Ces effets sont les même chez l’homme et le cheval : stress, refus d’obtempérer, réactions violentes, dégradation de l’état de santé mental et physique.
Et pour en revenir, à l’ergonomie des IHM ?
Oui, parce que c’est un peu le sujet abordé par ici ! J’ai observé à plusieurs reprises des cas où des solutions logicielles avaient été imposées aux utilisateurs. Le logiciel n’ayant pas une utilité réelle ou n’étant pas utilisable, la hiérarchie avait dû mettre en place des « incitations pour encourager » l’usage du dit logiciel. Bien sur, le résultat était un usage médiocre, par exemple avec des données mal ou partiellement saisies et dès que les incitations cessaient, l’usage du logiciel s’effondrait.
Alors comment obtenir l’engagement des utilisateurs par rapport à un logiciel ou un service ? C’est tout simple, impliquer les dans la conception. Comment ? Par une analyse de l’activité, des groupes de travail, des questionnaires, des tris par cartes, etc… Mais surtout n’imposez rien, demandez toujours l’accord et insistez sur le fait qu’ils peuvent refuser à tous moments.